Le 1er juillet dernier, la pharmacie du village de Mensignac, en Dordogne, baisse son rideau. Après deux ans de vaines recherches d’un repreneur, le titulaire, désireux de prendre sa retraite, jette l’éponge. Et, de guerre lasse, rend la licence de son officine. Deux mois plus tard, une pharmacienne manifeste son intention de s’installer dans la commune et de reprendre l’officine. Un peu tard, car la réouverture de la pharmacie de Mensignac devient alors une… création. Appuyé par le maire, des médecins et des élus du secteur, un dossier est déposé. Mais il se heurte au refus logique de l’ARS ; la loi n’autorisant pas de création d’officine dans des communes de moins de 2 500 habitants. Et Mensignac ne compte que 1 500 âmes.
La nouvelle désole la population et la maire du village, Véronique Chabreyrou, qui décide d’en appeler au préfet, sans se faire trop d’illusion : « La loi c’est la loi… voilà ce que l’on risque de me répondre. Pourtant cette pharmacie aurait été bien utile pour compléter notre maison médicale. Mensignac est située sur la deuxième couronne du Grand Périgueux, et pour les gens qui travaillent en ville, l’absence de pharmacie ce n’est pas un problème. Le souci, c’est pour les autres… » En effet, ruraux ou personnes âgées sont les premiers touchés par la perte de leur officine qu’ils ressentent comme un nouveau pas vers la désertification du village.
Soutien tardif
« Dans ce dossier, une création n’est tout simplement pas possible, précise Pierre Bèguerie, président du conseil régional de l’Ordre des pharmaciens d’Aquitaine. Les gens s’affolent souvent au dernier moment. Quand le pharmacien en place était en difficulté, personne ne s’inquiétait, les gens continuaient à faire leurs courses en ville. Aujourd’hui, ils ne comprennent pas pourquoi ils n’ont plus de pharmacie. Il fallait y penser avant. »
Les mots sont durs mais réalistes. À Mensignac, on reconnaît que la population fait l’essentiel de ses achats à Périgueux et que, de fait, l’officine locale n’a guère eu les moyens d’investir. « Ce qui est dommage, c’est que le repreneur savait tout cela, elle connaissait les chiffres et était prête à prendre le risque », indique Véronique Chabreyrou. « Une pharmacie n’est pas viable dans un village de 1 500 habitants, lui répond Pierre Bèguerie. Pour apporter un service de qualité, elle doit avoir un stock qui tourne, des installations et une informatique performante… Elle doit satisfaire à des contraintes de sécurité sanitaire. C’est incompatible avec un exercice sans investissement. Le seuil de 2 500 habitants n’a pas été choisi par hasard, mais pour se rapprocher du seuil de rentabilité d’une officine remplissant pleinement sa mission de santé publique. Vous savez, je connais les difficultés de nombreuses officines ; je vais toutes les semaines au tribunal de commerce pour des procédures de sauvegarde. En France, trois pharmacies ferment chaque semaine. »
Manque de communication
Du cas d’école de Mensignac, on pourrait peut-être tirer quelques conseils. Pour la population, le message serait de soutenir son officine avant qu’il ne soit trop tard, pour lui donner les moyens de se développer et donc de perdurer. Quant aux pharmaciens en quête de repreneur, on ne peut que les inciter communiquer avec la mairie, leur environnement économique et professionnel. « Ici, le pharmacien a cherché seul un repreneur, sans m’en parler, reconnaît Véronique Chabreyrou. Il n’a informé la mairie qu’en avril pour annoncer sa fermeture au 30 juin. Il était trop tard… »
C’est donc une conjonction d’individualismes, d’immobilisme et de manque de communication qui a eu raison de l’officine de Mensignac.
A la Une
Gel des prix sur le paracétamol pendant 2 ans : pourquoi, pour qui ?
Salon des maires
Trois axes d’action pour lutter contre les violences à l’officine
Portrait
Jérémie Kneubuhl : le pharmacien aux 50 millions de clics
Médication familiale
Baisses des prescriptions : le conseil du pharmacien prend le relais