Un bras de fer s’est engagé au cours des dernières semaines. La rétrocession s’invite au cœur des relations entre titulaires, groupements et laboratoires, mais aussi entre pharmaciens eux-mêmes. « Tout est fait pour entraver les possibilités de négociations des pharmaciens », déplore Gilles Bonnefond, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO).
La rétrocession est le point le plus noir de ces difficultés. Cette pratique consiste à grouper des achats de médicaments au nom d’un seul titulaire qui se chargera ensuite de les redistribuer à d'autres confrères.
Interdite par la loi, elle est cependant largement répandue. Quasiment tous les titulaires y ont un jour recours. La rétrocession n’en dérange pas moins certains acteurs du marché, principalement les groupements disposant de centrales d'achats (CAP) et de structures de regroupement à l’achat (SRA).
Une surcharge de travail
Christian Grenier, président de la chambre syndicale des groupements et enseignes de pharmacies, Federgy, en est le principal pourfendeur. À la sortie de son entretien avec le conseiller Travail, Emploi et Protection sociale de François Hollande à la mi-novembre, il a déclaré vouloir débattre « des mesures nécessaires à prendre contre la rétrocession illégale ». Lors du congrès de son groupement Népenthès, il avait exhorté ses adhérents : « Arrêtez de faire de la rétrocession, vous allez faire exploser le monopole ! » Une crainte qui rejoint l’analyse de la DGCCRF*. Pointant cette pratique lors de contrôles dans les officines, elle affirme que la rétrocession contribue à déséquilibrer le marché.
Pour Gilles Bonnefond, la rétrocession « ne peut pas être un système d’organisation pérenne », estimant notamment qu’elle représente une surcharge de travail. Christian Grenier affirme, quant à lui, que les officinaux doivent cesser de passer 50 % de leur temps à faire autre chose que leur cœur de métier.
Le développement de la rétrocession est cependant, avant tout, l’aveu d’un échec. Celui des CAP et des SRA, qui, depuis leur autorisation par la loi du 19 juin 2009, n’ont jamais véritablement pris leur envol, faute « de pouvoir acheter à des conditions normales », comme le relève Christian Grenier. En mars dernier, il avait attiré l’attention sur les pratiques des laboratoires qui privilégient la vente directe aux pharmaciens, court-circuitant ainsi les CAP et SRA des groupements.
Un intérêt vital
En l’état actuel des conditions d’achats, d’autres acteurs, plus pragmatiques, se rangent du côté de la rétrocession qu’ils considèrent comme la seule bouée de sauvetage de l’officine. « Nous avons toujours considéré qu’il fallait donner au pharmacien les meilleurs outils pour acheter au meilleur prix pour son patient consommateur. Or les CAP et les SRA ne fonctionnent pas suffisamment bien. Certains produits échappent au référencement des groupements, soit parce qu’ils ne figurent pas au catalogue, soit parce que le laboratoire ne souhaite pas qu’il soit référencé. Dans ces cas de figure, la rétrocession est un moyen pour le pharmacien d’acheter de manière plus compétitive », expose Philippe Gaertner, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF).
Il s’affirme en faveur d’une réglementation de la rétrocession de produits non remboursables (OTC, parapharmacie) qui permettrait aux pharmaciens de défendre l’économie de leur officine dans un environnement hostile. Il suffirait, selon lui, de la limiter en volume et à des achats groupés entre quelques confrères. Il en va également, pour le président de la FSPF, de l’avenir des petites officines rurales : « pour qu’elles puissent proposer du prix, il faut qu’elles passent par la rétrocession. » De plus, une réglementation aurait l’avantage de garantir la traçabilité des médicaments en obligeant par exemple à rajouter des numéros de lots sur les boîtes.
Reprenant elle aussi l’argument d’une meilleure traçabilité, l’Union des groupements de pharmaciens d’officine (UDGPO) réclame également la légalisation de la rétrocession. « Elle constitue la seule option envisageable dans l’état des conditions d’achats si l’on veut garantir une marge correcte aux pharmaciens », déclare son président, Laurent Filoche. Il est soutenu dans cette position par l’Union nationale des pharmacies de France (UNPF) qui défend ce droit « vital », « dans l’intérêt des officines et de leur indépendance ». « Nous refusons qu’il soit mis fin aux rétrocessions sous couvert d’un pseudo-consensus de la profession », défend Jean-Luc Fournival, président de l’UNPF.
Qualifiés d’échec pour les uns, de dispositif chronophage et non durable pour les autres, CAP, SRA et rétrocession ont montré leurs limites. Une raison suffisante pour remettre à plat les conditions d’achats des pharmaciens afin de trouver rapidement le dispositif qui permettra à toutes les officines, quelles que soient leur typologie et leur localisation, d’accéder à des prix bas.
* Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes.
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