Les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) ont payé un lourd tribut à la crise du Covid-19.
En plus des nombreux décès qui y ont été recensés, la question de l'interdiction des visites pour les familles, douloureuse pour ces dernières et lourde de conséquences pour le moral et l'état de santé des résidents, appellent à de grandes transformations sur le modèle même des EHPAD. « Meurtrière pour les plus fragiles, cette crise sanitaire s’est également révélée traumatisante pour les personnels et déstabilisante pour les structures d’accompagnement du grand âge », présente en préambule le cabinet Xerfi, auteur d'une note sur les « nouveaux défis des acteurs du grand âge », publiée début juin. Comme le rappelle cet institut d'études privées spécialisé dans les études sectorielles, « après avoir rapidement apporté des garanties de financement aux acteurs du grand âge durant la crise, les pouvoirs publics doivent demeurer animés par ce sentiment d’urgence » et « anticiper certaines mesures attendues dans le cadre de la future loi Grand âge et autonomie ». Le personnel et les soignants travaillant en EHPAD ont été aux premières loges pour constater, et subir, les nombreux dysfonctionnements qui nuisent au bon fonctionnement de ces établissements, en particulier un « défaut de valorisation des prestations et des personnels (niveaux de salaires), et une pénibilité amplifiée par les sous-effectifs et les difficultés de recrutement », comme le souligne la note de Xerfi. Des difficultés qui ne sont pas nées avec le Covid, mais auront été exacerbées au cours des dernières semaines.
« Le modèle de l'EHPAD a du plomb dans l'aile »
La réflexion sur l'évolution du modèle des EHPAD semblait déjà avoir connu un coup d'accélérateur lorsqu'Agnès Buzyn, alors ministre de la Santé, avait détaillé les contours de la stratégie « Vieillir en bonne santé 2020-2022 » à l'occasion de ses vœux à la presse le 28 janvier, une époque où le coronavirus ne semblait encore qu'une lointaine et hypothétique menace. Il était déjà question, néanmoins, de faire de la santé de nos aînés le thème central en matière de santé pour l'année 2020. Agnès Buzyn affirmait alors que la perte d'autonomie ne devait plus être perçue comme « une fatalité » et que l'entrée en EHPAD devait devenir « une exception ». De belles ambitions qui devaient devenir plus concrètes encore après l'annonce, qui aurait dû avoir lieu cet été, des financements alloués à cette stratégie. L'épidémie de Covid-19 n'a en tout cas pas contribué à redorer l'image des établissements d'accueil pour personnes âgées, qui ne jouissaient déjà pas d'une opinion publique très positive. « Le modèle des EHPAD a du plomb dans l’aile depuis la crise », n'hésite pas à dire aujourd'hui Marie-Anne Montchamp, présidente de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), organisme qui contribue au financement de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA). Parmi les pistes évoquées pour dessiner « l'EHPAD du futur », le développement de structures d’habitat partagé et de nouvelles normes en matière de conception des EHPAD, ce qui passerait notamment par une nouvelle architecture de ces structures afin de garantir une plus grande ouverture vers l'extérieur. La limitation du nombre de résidents par établissement est également au cœur des discussions avec, dans le collimateur, les grands établissements accueillant plus de 120 pensionnaires. Des établissements accusés, parfois à raison, de ne pas offrir un cadre de vie suffisamment éthique et humain aux personnes qui y vivent et à celles qui y travaillent. Autres propositions qui seront certainement débattues dans les mois à venir : une collaboration renforcée avec les établissements de santé voisins et une médicalisation plus importante des EHPAD, enjeu-clé alors que de nombreux résidents n'ont pas pu être hospitalisés lorsqu'ils avaient été infectés par le Covid, les personnes âgées vivant à domicile étant considérées comme prioritaires si les structures hospitalières sont dans l'incapacité d'accueillir tous les patients.
Quelle place pour le pharmacien ?
Qu'ils s'y investissent en tant que pharmacien référent ou qu'ils le fassent de manière plus informelle, les officinaux qui interviennent en EHPAD se sont souvent interrogés sur la place réelle que l'on souhaitait donner à leur profession dans l'organisation de ces établissements. Il y a un peu plus d'un an, à l'occasion de la présentation du rapport Libault sur la concertation Grand âge et autonomie, l'Union des syndicats de pharmaciens d'officine (USPO) s'était alors émue du manque de considération envers les officinaux à la lecture du document, eu égard au rôle qu’ils jouent, et pourraient jouer, dans l'accompagnement des personnes âgées. « Les pharmacies d'officine accompagnent au quotidien les personnes âgées en ville et en EHPAD. Elles améliorent l'observance et renforcent le bon usage du médicament. Les missions du pharmacien, comme les bilans partagés de médication ou la préparation des doses à administrer (PDA) ne sont jamais cités dans le rapport Libault », regrettait vivement le syndicat dans un communiqué. Notamment axée sur le maintien à domicile, la stratégie « Bien vieillir 2020-2022 » ne semblait pourtant pas vouloir s'appuyer beaucoup sur les officinaux elle non plus, du moins selon ses premières orientations. Les pharmaciens qui travaillent au quotidien avec les EHPAD auraient pourtant envie de s'exprimer sur le sujet. « On parle beaucoup de favoriser le maintien à domicile mais on le fait déjà et il y a des limites à cela », tient à rappeler Marie-Thérèse Henry, une pharmacienne de Meurthe-et-Moselle qui intervient en EHPAD depuis plus de 10 ans (voir ci-dessous). « Les résidents qui entrent en EHPAD sont de plus en plus souvent en fin de vie, il est de plus en plus fréquent de voir des patients n'y rester que quelques mois. Des familles laissent leur proche vivre à domicile parfois au-delà du possible et les aidants se retrouvent dans des états de grande souffrance tant sur le plan physique que psychologique », souligne-t-elle. Ne pas ignorer le vécu et les retours d'expérience des professionnels de santé de terrain, et notamment ceux des pharmaciens : un premier piège à éviter pour les décideurs qui devront s'employer à construire l'EHPAD de demain.
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