La sécurité sociale n’a pas tenu l’objectif de ralentissement des dépenses de santé en 2023. Dans son analyse des finances sociales, la Cour des comptes pointe, côté pharmacie, le coût des médicaments anticancéreux.
L’assurance-maladie a perdu la maîtrise des comptes sociaux. C’est la conclusion du rapport de la Cour des comptes sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale, publié le 29 mai, présentant la situation des finances sociales au terme de l’exercice 2023. La branche maladie est particulièrement visée car elle « porte, à elle seule, la totalité du déficit (- 11,1 Md€), les excédents et les déficits des autres branches, beaucoup plus réduits, se compensant entre eux », analyse la Cour.
Au-delà des mesures qu’elle préconise pour rééquilibrer les comptes, la Cour s’est penchée sur un domaine qui a eu une influence importante sur les déficits et qui concerne les pharmaciens : les médicaments anticancéreux. Surtout les médicaments innovants qui apportent des bénéfices substantiels (amélioration du taux de survie par exemple) mais qui s’ajoutent la plupart du temps aux traitements classiques et qui sont de plus en plus prescrits. Ils coûtent très cher : entre 3 000 et 27 500 euros par an pour les dix molécules les plus courantes, sans compter les 400 000 euros d’une perfusion de CAR-T cells. « La dépense pour l’assurance-maladie, en forte croissance, a atteint 5,9 milliards d’euros en 2022, 2,4 milliards d’euros après déduction des remises versées par les laboratoires », affirme la Cour des comptes.
La fixation de leurs prix est donc dans le collimateur. D’un côté les industriels demandent des montants élevés et de l’autre, les autorités de santé rencontrent des difficultés pour établir rapidement l’amélioration du service médical rendu (ASMR) nécessaire pour négocier un prix, par manque de données (faible nombre de patients dans les essais, solidité de la preuve de l’efficacité comparativement aux traitements déjà existants). « Pour résoudre ces difficultés sans remettre en cause l’accélération de la mise à disposition des nouvelles molécules aux patients, une solution consiste à étudier a posteriori leur intérêt en observant leur efficacité en vie réelle. Pour y parvenir, des dispositifs de recueil d’information sont indispensables », note la Cour. Or, contrairement à plusieurs pays européens (Danemark, Finlande, Islande, Norvège, Suède), la France n’a pas mis en place de registre national des données en vie réelle. La Cour des comptes l’a donc ajouté sur sa liste de doléances.
Elle préconise aussi de renforcer la capacité de la Haute Autorité de santé (plus exactement de la commission d’évaluation économique et de santé publique) à produire des études médico-économiques indépendantes des laboratoires pharmaceutiques, en s’appuyant notamment sur les universités, comme c’est le cas en Angleterre et au Pays de Galles avec le National institute for health and care excellence (Nice). « L’évaluation médico-économique, aujourd’hui indicative, doit également être renforcée pour devenir un véritable outil de négociation. »
La Cour des comptes incite aussi à renégocier le prix des médicaments anticancéreux innovants lorsque des études, non disponibles au moment de la fixation du prix initial, montrent des résultats inférieurs à ceux attendus.
Ce qui suppose « une mobilisation vigoureuse des pouvoirs publics », conclut la Cour…
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