Adopté par le Sénat et voté par l'Assemblée nationale le 6 octobre, le projet de loi d'accélération et de simplification de l'action publique (loi ASAP) a été largement commenté par les représentants de la profession, ulcérés par certaines dispositions initialement prévues au sujet de la vente en ligne de médicaments. À la lecture de l'article 34 lors de sa présentation en février dernier, les syndicats, le Conseil national de l'Ordre (CNOP) ou encore l'Académie de pharmacie, avaient indiqué que trois lignes rouges ne devaient en aucun cas être franchies : la création de plateformes mutualisées entre officines pour faciliter la vente en ligne, l'autorisation d'avoir des locaux déportés distincts de la pharmacie pour y stocker les médicaments, et enfin l’extraction de l’activité d’e-commerce du chiffre d’affaires global de l’officine. Trois dispositions supprimées par les sénateurs et non débattues ensuite par les députés, ce qui avait réjoui Gilles Bonnefond, président de l'Union des syndicats de pharmaciens d'officine (USPO). « Nous sommes parvenus à un point d'équilibre, un consensus a été trouvé à l'issue des discussions au Sénat (en février). Il y a bien eu quelques tentatives d'amendements depuis, mais aucune n'a prospéré », s'est-il félicité. Dans cet article 34 qui inquiétait tant la profession, ne subsiste finalement qu'une mesure phare : la suppression de l'autorisation obligatoire que devait accorder l'Agence régionale de santé (ARS) pour toute ouverture d'un site de vente en ligne de médicaments. Une simple déclaration d'ouverture auprès de l'ARS suffit désormais, cette dernière pouvant toujours contrôler la conformité d'un site et bien sûr intervenir en cas d'infraction caractérisée.
Lettre ouverte à Emmanuel Macron
L'abandon de ces dispositions majeures de l'article 34 de la loi ASAP n'a toutefois pas fait que des heureux. Président de l'Association française des pharmaciens en ligne (AFPEL), Cyril Tétart a adressé un courrier au président de la République pour lui livrer son point de vue et exprimer ses inquiétudes. « Nous souhaitons attirer votre attention sur le sort des pharmacies en ligne en France dont l’activité est une nouvelle fois entravée par une réglementation qui va à contre-courant des attentes des Français mais aussi des défis de l’économie contemporaine par l’innovation », indique-t-il. Il estime, au sujet de la loi ASAP, qu'au lieu de simplifier certaines procédures, comme le stipule son intitulé, elle « complexifie » au contraire « l’activité des pharmacies en ligne en empêchant la possibilité d’un entrepôt déporté de stockage pour les pharmaciens ». Le président de l'AFPEL, également titulaire dans une pharmacie du Nord et fondateur du site « La Sante.net », dénonce au passage les décrets publiés durant le confinement visant à interdire la vente en ligne de paracétamol, ibuprofène et autres substituts nicotiniques. « Au moment où les Français étaient priés de rester chez eux, les pharmacies en ligne manquaient à leur rôle de dispensation à distance de médicaments (non soumis à prescription médicale) alors que toutes les sécurités et précautions liées à leur délivrance ont toujours été respectées », veut-il souligner.
La vente en ligne : un « levier de dynamisation » pour les officines ?
Dans sa missive adressée au chef de l'État, Cyril Tétart défend un postulat qui, sans nul doute, ne fera pas l'unanimité au sein de la profession. « La vente en ligne de médicaments ne peut nuire au maillage territorial des pharmacies d’officine mais constitue au contraire un formidable levier de dynamisation de leurs activités. » Rappelant par ailleurs que « seulement 1,66 % des officines françaises exerceraient réellement une activité de vente de médicaments en ligne en 2018, contre 15 % en Allemagne » et que « les ventes en ligne de médicaments représentent 1 % de la vente nationale de médicaments à prescription médicale », le président de l'AFPEL pose enfin une question pour conclure. « Les pharmaciens doivent-ils se résoudre à livrer la dispensation des médicaments et leur rôle de conseil à la grande distribution et demain aux GAFA ? » Une interrogation que Cyril Tétard pourra continuer à soumettre aux élus dans les mois à venir.
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