Retour sur le projet initial.
Pour rappel, le Gouvernement s’était engagé le 10 janvier dernier, en marge des annonces relatives à la réforme des retraites, à modifier l’assiette sociale des indépendants dans le cadre du PLFSS 2024. Cette modification répondait à plusieurs objectifs :
- Simplifier le calcul des prélèvements sociaux en instaurant une assiette identique pour les cotisations et les contributions sociales (CSG-CRDS),
- Rapprocher cette assiette de celle des salariés en appliquant au revenu superbrut (revenu imposable + cotisations sociales + CSG déductible) un abattement équivalent aux cotisations sociales prises en charge par l’employeur,
- et surtout, améliorer la retraite des indépendants en fléchant l’économie réalisée sur la CSG-CRDS vers des cotisations retraite.
Au départ, la démarche était louable puisqu’elle avait pour but de corriger une injustice entre les libéraux et les salariés.
Le projet tel qu’il se présente aujourd’hui
Les négociations entre l'État et les organisations syndicales représentatives des professions libérales et des travailleurs indépendants ont finalement débouché sur un projet de réforme inscrit initialement dans l'article 11 du PLFSS, qui contrevient totalement aux objectifs initiaux.
Ce qui devait être une simple modification d'assiette de la CSG génère un manque à gagner de 1,5 milliard d’euros pour l'État pesant notamment sur l’assurance-maladie et devant être compensé par une augmentation des cotisations maladie des libéraux sans production de droits supplémentaires.
Quels impacts pour les pharmaciens ?
Selon les derniers arbitrages présentés par les pouvoirs publics, la réforme prévoit :
- Une assiette unique de cotisations sociales et CSG-CRDS égale au revenu superbrut auquel serait appliqué un abattement de 26 % plafonné à 1,3 PASS*,
- Une cotisation sur le régime de base majorée de 0,5 point sur la tranche 1,
- Un barème de cotisations maladie majoré en fonction du revenu, différent de celui des salariés.
C'est ainsi qu'un pharmacien avec un revenu d’environ 88 000 euros payera plus de cotisations maladie qu'un salarié (7,7 % contre 7,3 %), de même qu’un titulaire avec un revenu de 132 000 euros (8,5 % contre 7,3 %) et, dans les deux cas, sans attribution de droits supplémentaires.
Pourtant, début mai, la Caisse nationale d’assurance vieillesse des professions libérales (CNAVPL) avait fait des propositions aux pouvoirs publics en demandant que l’économie de CSG réalisée soit affectée au financement des régimes de retraite complémentaires gérés par nos caisses professionnelles de manière à améliorer le niveau des retraites.
À la suite des négociations qui se sont tenues entre l’État et les organisations syndicales, si les indépendants et parmi eux certains libéraux trouvent un modeste bénéfice à cette réforme (quelques centaines d'euros par an), la majorité des professions libérales y perd, dont 25 % des pharmaciens avec plusieurs milliers d'euros de perte de pouvoir d'achat.
Quels sont les enjeux de cette réforme ?
La réforme en l’état est particulièrement pernicieuse à bien des égards.
Détournée de son objectif initial, elle ne permet pas aux pharmaciens de cotiser davantage pour leur retraite et les prive même de leur capacité à la financer. Elle crée une nouvelle iniquité entre les Libéraux et les salariés sur le plan des cotisations maladie sans produire de droits supplémentaires.
Je n'appelle pas cela une réforme progressiste ni équitable, d'ailleurs la majorité des caisses de retraite des libéraux y est opposée.
Plus grave, encore, pour assurer la neutralité de cette réforme, l’État ne propose rien de moins que de modifier les taux de cotisation et d'allocation de nos régimes complémentaires, que nous gérons en pleine autonomie, et de le faire pour nous si nous n’y parvenions pas ! Il s'agit là d'une ingérence des pouvoirs publics dans l'autonomie de nos caisses que nous ne manquerons pas de faire examiner sur le plan juridique.
En tout état de cause, cette réforme telle qu’elle nous est présentée n’est pas acceptable et nécessite un cycle de négociations avec la participation des caisses de retraite, qui sont des acteurs incontournables dans ce dossier.
* Plafond annuel de la Sécurité sociale, soit 43 992 euros.
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