DE NOMBREUX titulaires l’avaient déjà constaté, les honoraires de dispensation instaurés depuis le 1er janvier 2015 suscitent parfois l’interrogation et l’incompréhension des patients (« le Quotidien » du 16 avril). Il faut dire que la mise en place de l’honoraire à la boîte et de celui pour les ordonnances complexes ne s’est pas accompagnée d’une communication grand public. Certes, le ticket Vitale imprimé sur les ordonnances fait mention de ces honoraires (voir ci-dessous). De plus, une information via une affiche apposée dans l’officine est prévue, mais celle-ci n’interviendra que le 1er juillet prochain. En attendant, c’est la surprise, pour ne pas dire la stupéfaction, pour de nombreux patients lorsqu’ils découvrent la facturation de ces honoraires sur leurs relevés émis par l’assurance-maladie. Pire, certains se sentent abusés.
Une accusation de racket.
« À l’heure où de plus en plus de patients se voient contraints de diminuer leurs dépenses de santé, une réforme passée quasiment inaperçue grève encore un peu plus le budget santé des Français, peut-on ainsi lire dans le journal « L’Humanité » du 15 mai. Depuis le 1er janvier, les pharmaciens facturent en effet 0,82 euro la délivrance de chaque boîte de médicament remboursable, qu’il soit prescrit ou non d’ailleurs. C’est ce qu’on appelle l’"honoraire de dispensation", censé rétribuer "la fonction du conseil de pharmacien d’officine". » Pour le journal, il ne s’agit ni plus ni moins que d’un « nouveau racket sur le dos des malades ». Sauf que pour les patients, l’opération est quasiment blanche, les prix des médicaments ayant été dans le même temps baissés et la marge des pharmaciens, révisée. Une évolution qui ne semble pas avoir été portée à la connaissance de l’auteur de l’article qui prend l’exemple du Clamoxyl 1 g pour illustrer son propos : « L’année dernière, une boîte de 14 comprimés coûtait 4,46 euros ; désormais, le patient la paye 5,28 euros (4,46 + 0,82 euro) ». Sur le site de l’Humanité.fr, un internaute rétablit la vérité. « Le prix du Clamoxyl 1 g 14 comprimés était depuis 2012 jusqu’au 31 décembre 2014 de 5,24 euros, explique-t-il. Il baisse au 1er janvier à 4,46 euros, auquel on ajoute 0,82 euro, soit 5,28 euros. » L’augmentation n’est donc pour ce produit que de 4 centimes. N’empêche, le mal est fait et il faudra faire preuve de beaucoup de pédagogie pour expliquer cette réforme au comptoir. D’autant que cette idée est actuellement largement reprise dans d’autres médias.
Une attaque contre la profession.
Mais ce qui surprend le plus dans l’article de « L’Humanité », ce sont les déclarations retranscrites de Gilles Bonnefond, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO). « Là où ils (les patients) seront le plus pénalisés, c’est sur l’achat de médicaments sans prescription », indique-t-il. Il ajoute : « Le paracétamol et l’homéopathie représentent 25 % des médicaments remboursables délivrés sans ordonnance. À chaque fois qu’un pharmacien en vend une boîte ou un tube sans prescription, les 82 centimes vont directement dans sa poche, sans remboursement pour le patient. Il n’est plus question, là, d’honoraires, qui sont un acte de dispensation, puisqu’on le lie uniquement à une marchandise. Il y a ambiguïté. »
Des propos qui font vivement réagir Philippe Besset, vice-président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF). « C’est une attaque contre la profession », affirme-t-il. Il précise : « Le conseil du pharmacien doit accompagner toute dispensation de produit, qu’il soit prescrit ou non, comme le stipule le Code de la santé publique. L’acte pharmaceutique de conseil est d’autant plus important quand le médicament est dispensé sans ordonnance. » Par conséquent, « l’honoraire est dû dans tous les cas », conclut-il, avant d’ajouter : « Je m’inscris donc en faux contre les propos de M. Bonnefond, qui sont préjudiciables pour la profession. »
L’USPO dément.
Interrogé par « le Quotidien », le principal intéressé dément formellement avoir tenu de tels propos. « Je ne trouve pas astucieux d’avoir mis en place un honoraire à la boîte, mais je n’ai jamais dit que les pharmaciens se le mettaient directement dans la poche », assure Gilles Bonnefond, qui indique être également en total désaccord avec l’assimilation de l’honoraire à du racket faite par « L’Humanité ». Pour le président de l’USPO, cet article est certes caricatural, mais montre bien que les patients-consommateurs ne comprennent rien à la réforme de la rémunération qui est une usine à gaz. « Cela va casser l’image du pharmacien, craint-il. L’honoraire nous expose à des attaques de toute part et ne nous permet pas de gagner plus. Le bilan est nul. Et quand le montant de l’honoraire passera de 82 centimes à 1,02 euro, on remettra des sous dans la machine à détruire le pharmacien. » Pour lui, il est donc encore temps d’empêcher l’instauration de la seconde étape prévue pour le 1er janvier 2016.
Pas d’accord pour reculer sur l’honoraire, la FSPF entend plutôt prendre son bâton de pèlerin et expliquer, par voie de presse, la réforme aux patients. Une réforme dont l’objectif est aussi d’améliorer la qualité du service aux patients, insiste Philippe Besset.
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