DEPUIS début décembre 2014, 32 officines du Limousin (24 expérimentateurs, 8 « témoins ») testent la dispensation à l’unité d’antibiotiques. Le choix de cette région ne doit rien au hasard : d’après une étude de son ARS, elle serait parmi les plus consommatrices de France.
Jean Cathalifaud, pharmacien à Oradour-sur-Glane et président du syndicat des pharmaciens de la Haute-Vienne, est l’un des titulaires participants à l’expérimentation en tant que « témoin ». « Les premiers avis des patients semblent favorables à la dispensation unitaire, observe-t-il. Côté officines, le ressenti est plus nuancé, car l’opération s’avère chronophage pour le pharmacien. Il n’est pas toujours simple lorsque l’affluence de clients est importante, d’accorder quelques minutes d’explication à chacun pour présenter le principe de l’expérimentation. »
Du temps et des moyens.
Marie-Émilie Papel, à la pharmacie du Tilleul à Limoges, qualifie l’expérience d’« intéressante », en regard des réactions de ses patients. Si une partie d’entre eux adhère au dispositif, d’autres préfèrent conserver leur boîte entière par sécurité « au cas où, si j’en avais encore besoin, si j’étais à nouveau malade ». Elle reste plus réservée sur la manipulation, estimant celle-ci contraignante, du moins en raison des conditionnements actuels. « Tout ceci est à affiner, précise-t-elle. Nos clients s’interrogent également sur l’extension de cette pratique à tous les médicaments, mais qui pourrait être positive notamment pour les anti-inflammatoires. »
En Corrèze, Gilbert Courselaud dresse un constat similaire. « Les patients sont partants car ils ont compris la démarche, explique ce titulaire à Brive. Dans l’ensemble, ils apprécient le conseil du pharmacien que cela implique. En revanche, pour nous, c’est plus compliqué, notamment lorsque nous sommes de garde et que nous sommes très occupés et peu nombreux. D’autant plus qu’il y a des différences selon les produits, certains devant être entièrement déconditionnés, ce qui n’est pas évident à réaliser lorsqu’il y a une file d’attente de patients. »
Difficultés administratives.
Eliette Lascoux, titulaire à Ajain, dans la Creuse, porte elle aussi un regard nuancé sur son expérience. La grande majorité de ses patients accepte ainsi sans réserve le principe, consciente de l’intérêt à la fois économique et pédagogique de la délivrance unitaire. Favorable à cette dispensation, elle ne rechigne pas sur le travail supplémentaire demandé, l’estimant relativement modeste en temps, mais pointe des difficultés sur la partie administrative. « Que ce soit pour nous avec les relevés que l’on nous impose, ou pour nos clients qui ne sont pas très partants pour être interrogés par téléphone, les modalités se révèlent très contraignantes, explique-t-elle. Mais ce ne sont là que des premières impressions, et il faut voir à terme ce que l’initiative pourra donner. »
Agnès Mery, pharmacienne à Pierre Buffière (Haute-Vienne), souligne pour sa part qu’elle n’était pas partante à l’origine, « car je trouvais que le choix des antibiotiques n’était pas le plus adapté ». En effet, souligne-t-elle, s’ils sont bien prescrits, les conditionnements sont adaptés. « Les antalgiques, les inflammatoires, le paracétamol, me paraissaient plus judicieux, avance la titulaire. Toutefois, je suis une pharmacienne responsable et je suis ouverte aux expériences pouvant améliorer l’exercice de notre profession. C’est pourquoi, avec mon personnel, nous nous y sommes engagés. » Ce qui ne l’empêche pas de trouver le dispositif très compliqué, en raison du temps que demande l’application d’un procédé qui, notamment en période d’épidémie, est difficile à mettre en place. « Cet hiver, nous avons rapidement été débordés, le plus long n’étant pas le déconditionnement lui-même mais l’explication au patient, surtout lorsqu’il est âgé. Sans oublier la partie INSERM de l’étude, du travail administratif qui nous est demandé, très prenant dans sa durée et qui vient alourdir les nombreuses charges qui nous incombent… Par les temps que nous vivons, nous ne pourrons pas embaucher du personnel supplémentaire. »
Agnès Mery soulève également un point très pratique de l’expérience : comment déconditionner, sans matériel adapté, en ouvrant une boîte dont on tire un comprimé pour le mettre dans un sachet (non fourni par l’administration), sans aucune traçabilité et sans notice ? Autrement dit, la manipulation lui paraît peu professionnelle.
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