Messieurs les Présidents,
Peut-être serait-il nécessaire d’arrêter vos chamailleries d’écoliers sur un sujet aussi important que celui de notre rémunération et que vous posiez un véritable débat sur le devenir de notre économie avec les modifications du mode de rémunération négociées conjointement pour les avenants n° 5 et n° 11.
Quelle que soit la futilité des raisons qui vous ont poussées à ne pas vouloir signer à tour de rôle un avenant, il n’en reste pas moins vrai que vous aviez approuvé l’essentiel des contenus des décrets publiés.
Le spectacle que vous montrez, à coups de fax, de mails, de communiqués de presse avec des chiffres le plus souvent erronés dont la cohérence n’est même pas vérifiée, donne une image des plus affligeantes de notre profession.
Parce que vous êtes d’accord sur le fond, la guerre que vous entretenez depuis plus de 4 ans, n’aura ni vainqueur ni vaincu, seule la profession sera perdante parce que vos priorités sont politiques avant d’être économiques.
La complexité de notre rémunération demande une attention autre que la désinvolture dont vous faites preuve, par exemple, en ne séparant pas honoraires et marge dans la rémunération, ou en ne cherchant pas à comprendre le fonctionnement d’une rémunération à l’honoraire qui va devenir majoritaire, ou encore en n’évaluant pas les conséquences d’un mode de financement « à enveloppe globale ».
Au lieu de vous jeter à la figure des pertes de rémunération qui n’ont pas existé ou qui n’existeront pas, peut-être vaudrait-il mieux vous intéresser aux effets actuels et futurs des évolutions de nos dispensations avec un mode de rémunération dont seuls les équilibres existants depuis 1999 entre part forfaitaire et marge ont été modifiés avec les avenants.
Perte d’honoraires pour la lévothyroxine
La crise du Lévothyrox montre le manque d’attention que votre guerre des chiffres entraîne quant à la vérification de la bonne application des textes que vous avez approuvés et des conséquences futures de la modification des équilibres.
Ainsi la commercialisation de nouvelles spécialités de lévothyroxine en conditionnement trimestriel avec un honoraire à la boîte de 1 € n’a pas soulevé le moindre commentaire de votre part, alors que sur le 1er trimestre 2018 la perte effective d’honoraires s’élève à 3 millions d'€. L’annonce par les Laboratoires Merck de la commercialisation de conditionnements trimestriels pour l’ensemble des spécialités Lévothyrox avec un honoraire à 1 € n’a pas plus suscité de réactions, alors qu’avec 3 millions de patients le nombre de conditionnements dispensés annuellement va passer très rapidement de 36 millions d’unités à 12 millions, soit une perte de 24 millions d’honoraires.
Avec l’avenant n° 11 les dispensations de lévothyroxine ont été comptabilisées avec des conditionnements et des dispensations mensuels. En tenant compte de la moyenne d’âge des patients (63 ans), et du fait que la lévothyroxine soit reconnue comme médicament spécifique, le montant des honoraires supplémentaires apportés par ces 36 millions de dispensations aurait dû être de 172 millions d'€ en 2020, mais il ne sera perçu que de 57 millions avec 12 millions de dispensations au lieu de 36. Au total la perte d’honoraires pour la lévothyroxine serait de 140 millions d'€ en 2020 et ne pourrait être compensée que si le nombre les dispensations d’ordonnances de médicaments spécifiques progresse de plus de 10 %.
L'exemple des hypnotiques
Alors, Messieurs les Présidents, au lieu de vous battre pour savoir si les honoraires nous protègent ou pas des baisses de PFHT, il vaudrait mieux que vous cherchiez à comprendre le sens et les effets économiques de ce que vous avez négocié.
Si l’honoraire à la boîte pour un conditionnement trimestriel nous fait perdre 10 % des honoraires mensuels, une extension des conditionnements trimestriels à l’ensemble des pathologies chroniques nous fera perdre 25 % des honoraires à l’ordonnance, 75 % des honoraires à l’âge, et 75 % des honoraires pour médicaments spécifiques, soit un montant total, financé par notre marge commerciale actuelle, avoisinant les 800 millions annuels à l’horizon 2020. Pas plus que les honoraires à la boîte, les honoraires à l’ordonnance ne nous protègent pas des pertes de volumes.
Vous avez pris le risque d’accepter un honoraire à l’ordonnance dépendant du statut du produit prescrit avec les médicaments spécifiques, nous laissant ainsi sous la menace potentielle d’une modification décidée par les pouvoirs publics pour diminuer le montant des remboursements à l’image du SMR.
Ainsi les hypnotiques, médicaments spécifiques, qui se sont vus attribuer un SMR insuffisant pour simplement être pris en charge à 15 % par l’Assurance-Maladie, apporteront plus de 100 millions d€ d’honoraires supplémentaires en 2020, montant qui pourrait être supprimé par la seule volonté gouvernementale.
Est-il acceptable que vous ayez pu négocier une modification de notre rémunération où le tiers des honoraires pour médicaments spécifiques, soit environ 250 millions d€, peut disparaître sur la simple modification des conditionnements d’une molécule et la suppression du statut d’une catégorie sans vous en rendre compte ?
Soumission aux aléas des décisions politiques
Il serait temps de comprendre, Messieurs les Présidents, que l’avenant que vous avez négocié conjointement fragilise notre économie parce que la distribution de la rémunération sera modifiée 5 fois en 6 ans et soumise encore plus fortement aux aléas des décisions politiques visant à faire baisser les remboursements de l’Assurance-Maladie.
Il devient alors urgent de renégocier notre mode rémunération en mettant enfin à plat son fonctionnement avant la mise en place des honoraires à l’ordonnance pour faire des propositions cohérentes aux pouvoirs publics.
Il est sûr que, pour cela, il vous faut remettre en cause à la fois vos certitudes et le modèle économique que nous suivons, mais ce n’est qu’à ce prix qu’il sera possible de mettre en place un mode de rémunération pérenne détaché de la variation des PFHT, englobant les génériques, permettant un mode rémunération différent pour les services, tenant compte de la spécificité de chaque officine, sans surcoût pour l’Assurance-Maladie et enfin dégagé des décisions politiques visant à réduire les dépenses de remboursements de l’Assurance-Maladie.
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