FAUT-IL faire payer l’honoraire aux patients lorsque la dispensation d’un médicament se fait sans ordonnance ? La question suscite de nombreuses discussions au sein de la profession. Et la tension monte même entre certains groupements (voir notre article ci-dessous). Il est vrai que l’avenant à la convention pharmaceutique instaurant la nouvelle rémunération mixte est sujet à interprétation. Son article 1er stipule ainsi que « les honoraires de dispensation (…) sont facturés par le pharmacien à l’occasion de l’exécution d’une prescription de médicaments inscrits sur la liste des spécialités remboursables ». On pourrait donc en déduire qu’en l’absence d’ordonnance, point d’honoraire. Mais pour le gouvernement l’esprit de la réforme de la rémunération est tout autre. Celle-ci « s’applique à l’ensemble des médicaments remboursables, qu’ils aient été prescrits ou non », peut-on ainsi lire sans ambiguïté sur le site du ministère de la Santé. Dans un mail adressé mercredi dernier aux trois syndicats d’officinaux, la caisse nationale d’assurance-maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) le confirme : « Cette mention officielle permet dès à présent la facturation de l’honoraire au conditionnement à l’occasion de la délivrance sans prescription de ces produits. »
Revoir l’arrêté de marge.
Cette prise de position des pouvoirs publics ne convainc pas pour autant Gilles Bonnefond, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO). « L’honoraire ne figure pas dans l’arrêté de marge, souligne-t-il. Il est donc difficile d’expliquer ensuite qu’il doit être réintégré au montant total pour déterminer le prix public. Le mal a été fait, on a ouvert une brèche. » Pour lui, la seule façon de clore le débat est de réintroduire l’honoraire dans l’arrêté de marge.
À l’inverse, Philippe Besset, vice-président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), estime que le débat actuel est sans commune mesure avec celui qui a eu lieu en Suisse avec les pharmaciens discounters au moment où l’honoraire a été mis en place chez les Helvètes. Dans l’Hexagone, « le seul groupement qui avait fait des annonces a compris que la valorisation de l’acte pharmaceutique était essentielle, se félicite-t-il. Cette réforme permet de mettre en exergue la valeur ajoutée du pharmacien d’officine. Dire que son acte n’a pas de valeur serait, par conséquent, contre-productif. » Au total, le vice-président de la FSPF constate que le démarrage de l’honoraire se passe plutôt bien, même s’il y a eu des soucis avec certaines complémentaires santé. La prise en charge à 100 % de l’honoraire en cas de dispensation d’un vaccin grippal a aussi posé quelques problèmes au début, mais « c’est corrigé maintenant, affirme Philippe Besset. Les éditeurs de logiciels ont correctement fait leur boulot ».
Des anomalies liées au fichier prix.
Pour le vice-président de la FSPF, les difficultés rencontrées ces dernières semaines ne viennent pas de la mise en place de l’honoraire, mais du fichier prix du CEPS* en vigueur depuis la suppression de la vignette. Une commission technique paritaire avec l’assurance-maladie doit d’ailleurs se réunir cette semaine pour trouver une solution. Mais selon Philippe Besset, le principal souci actuel qui touche la profession est lié aux baisses de prix. « Elles doivent être compensées », insiste-t-il, par exemple en revalorisant l’honoraire à la boîte. Avec cet objectif, le syndicat vient de demander un rendez-vous à la ministre de la Santé.
Gilles Bonnefond est moins optimiste sur les débuts de l’honoraire. « Cela ne va pas du tout, assure le président de l’USPO. Nous rencontrons des difficultés avec les caisses de la RATP, de la SNCF, des clercs de notaire et certaines mutuelles rattachées à la MSA. Ces organismes n’ont pas encore paramétré l’honoraire ou le taux de prise en charge. Donc, il y a des bugs. » Des bugs qui, selon lui, s’ajoutent à ceux rencontrés habituellement en début d’année avec la mise à jour nécessaire des complémentaires ou les changements d’affiliation des patients. « La liste des retours est en train de s’alourdir, déplore le président de l’USPO. Les pharmaciens n’avaient pas besoin de cela. »
Plus largement, Gilles Bonnefond n’en démord pas, il souhaite l’ouverture de nouvelles négociations sur la rémunération avec l’assurance-maladie. Avis partagé par l’Union nationale des pharmacies de France (UNPF). « Nous subissons des plans d’économies toujours plus drastiques qui fragilisent notre économie, explique son président, Jean-Luc Fournival. La pharmacie est exsangue. Seule une nouvelle rémunération, déconnectée des volumes et basée sur un acte intellectuel, apportera à l’officine le souffle économique dont elle a besoin pour continuer à offrir aux patients des services de qualité. »
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