Ces dernières semaines, plusieurs pharmaciens ont vu débarquer des inspecteurs de la DGCCRF*. À l’origine, il s’agissait de vérifier la bonne mise en application des nouvelles règles d’affichage des prix instaurées le 1er juillet. Mais les agents de l’administration rattachée au ministère de l’Économie ont sauté sur l’occasion pour indiquer aux titulaires que les honoraires à la boîte ne devaient être systématiquement prélevés que pour les spécialités prescrites et prises en charge par l’assurance-maladie.
Une interprétation qui diffère de celle du ministère de la Santé. Sur le site medicament.gouv.fr, il est en effet clairement mentionné que la réforme de l’honoraire s’applique à l’ensemble des médicaments remboursables, qu’ils aient été prescrits ou non. Certes, mais la DGCCRF estime que l’honoraire étant inscrit dans une convention signée avec l’assurance-maladie, il ne peut être « facturé qu’aux seuls médicaments remboursables délivrés suite à une ordonnance ».
L’Union nationale des pharmacies de France (UNPF) affirme avoir mis le doigt sur cette ambiguïté de nombreuses fois lors des négociations relatives à la mise en œuvre de l’honoraire. « Force est de constater aujourd’hui que nos craintes étaient fondées et qu’aucune garantie pour les pharmaciens n’a été obtenue de la part des signataires », déplore le syndicat. Car les sanctions prévues peuvent être sévères (voir encadré). Pour l’UNPF, « les pouvoirs publics ont créé les conditions pour faire baisser les prix des médicaments, faire le jeu des discounters et réduire les marges des pharmaciens ».
Un outil de concurrence
Gilles Bonnefond, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO), explique pour sa part que la DGCCRF souhaite se servir de l’honoraire pour générer de la concurrence entre les pharmacies. « Elle n’est pas favorable au prix unique du médicament et souhaite une concurrence sur les prix même pour le remboursable », avance-t-il. Le président de l’USPO ajoute : « Cet honoraire qui était censé protéger le pharmacien des baisses de prix et rehausser son image, l’expose au contraire aux critiques et à des amendes assez lourdes. » Gilles Bonnefond demande donc l’intégration de l’honoraire de 80 centimes d’euro HT dans l’arrêté de marge. Autrement dit, de revenir au principe d’un forfait à la boîte, autrefois de 53 centimes d’euros. Pour lui, c’est le seul moyen pour que cet honoraire de dispensation ne soit plus contesté ni par l’administration ni par les patients lorsque le médicament est délivré sans ordonnance.
L’UNPF considère, elle, que « la mise en place de l’honoraire est une modification de la marge des pharmaciens et demande que ce point soit clarifié juridiquement dans le PLFSS 2016 ». Son président, Jean-Luc Fournival, estime finalement que « la DGCCRF est dans son droit puisque le texte n’est pas clair ». Lors d’un entretien avec le sous-directeur de la DGCCRF au ministère de l’Économie, il a demandé, au nom de ses confrères, que « les contrôles soient effectués à titre informatif et non dans un objectif répressif ». Accédant à cette requête, le sous-directeur de la DGCCRF lui a accordé un délai jusqu’à l’issue des élections aux Unions régionales des professionnels de santé (URPS) qui se tiendront début décembre.
Un amendement à la loi santé
Quoi qu’il en soit, la situation pourrait être tranchée prochainement. Selon Philippe Gaertner, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), le gouvernement va déposer un amendement à la loi de santé lors de son examen par l’Assemblée nationale, afin de mettre en cohérence l’ensemble des textes législatifs et réglementaires. Pour l’heure, il estime que la démarche de la DGCCRF à l’égard des pharmaciens concernant l’honoraire est sans objet et relève « du harcèlement administratif ». « Il faut rendre lisible pour les inspecteurs de la DGCCRF le fait que l’honoraire peut être demandé pour les produits remboursables dispensés sans ordonnance », indique Philippe Gaertner.
Pouvoir être demandé ? Cette interrogation signifie-t-elle que l’honoraire ne doit pas être obligatoirement facturé ? « Les prix de vente aux patients sont des prix maximums, qui englobent le prix du médicament et l’honoraire, répond Philippe Gaertner. Même lorsque la vignette existait encore, certaines spécialités étaient vendues moins chères que le prix indiqué. » Le président de la FSPF fait également remarquer que l’avenant introduisant l’honoraire qu’il a signé avec l’assurance-maladie était parfaitement clair sur la facturation de l’honoraire. « La DGCCRF considère qu’il est nécessaire d’apporter des précisions, souligne-t-il. Jusqu’à présent, le ministère de la Santé avait estimé que ce n’était pas la peine. Désormais, c’est à eux de se mettre d’accord. » La balle est donc dans le camp du gouvernement à qui il appartient de siffler la fin de la partie.
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