L’INSPECTION générale des affaires sociales (IGAS) a rendu ses conclusions sur la situation économique des officines (« le Quotidien » du 4 juillet). L’heure est désormais à la négociation avec le gouvernement. Des rendez-vous ont d’ores et déjà eu lieu avec la direction de la Sécurité sociale. Mais les syndicats souhaitent maintenant entrer dans le vif du sujet. « Nous demandons à être reçus par le ministre de la Santé afin de connaître quelles recommandations de l’IGAS il a retenu », lance Philippe Gaertner, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF). Le temps presse car les organisations professionnelles aimeraient que certaines dispositions figurent dans le prochain projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS), qui sera discuté à l’automne. Déjà, les trois syndicats se sont rencontrés la semaine dernière afin de tenter de trouver des points de consensus. En particulier en ce qui concerne l’évolution de la rémunération.
L’honoraire à petite dose.
L’IGAS propose de substituer progressivement la rémunération à la marge commerciale vers un honoraire de dispensation combinant trois paramètres : l’ordonnance, la ligne, les médicaments particuliers. Une idée que semble approuver la FSPF. À condition que cette évolution se fasse dans la durée, par étapes. Le syndicat se dit ainsi favorable à ce que, dès 2012, « un quart de la rémunération totale du réseau soit affectée à une rémunération complètement déconnectée du produit », indique Philippe Besset, président de la commission Économie de l’officine de la FSPF. Concrètement, pas moins de 1,5 milliard d’euros proviendrait désormais d’un honoraire de dispensation. « Il paraît difficile aujourd’hui d’aller au-delà de 25 % car nous partons d’une répartition éclatée des marges entre officines », souligne Philippe Gaertner. « Cet honoraire sera complètement différent du forfait à la boîte actuel, car il s’agira d’une rémunération spécifique, qui aura son propre taux de remboursement et sera probablement exonéré de la TVA », précise Philippe Besset.
Le glissement progressif de la marge vers l’honoraire est accueilli avec beaucoup de réserve du côté de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO). Certes, pour son président, Gilles Bonnefond, intégrer un honoraire à la ligne ou à l’ordonnance représente une bonne idée. Mais pas celle de remplacer totalement le mode de rémunération actuel par un honoraire. « Que la part de l’honoraire soit supérieure à celle de la marge ne me dérange pas, mais les deux doivent coexister, développe-t-il. Aucun pays n’a fait le choix du 100 % honoraire. Si nous options pour cette solution, nous nous condamnerions à mort. » Pour le président de l’USPO, l’honoraire doit avant tout servir à la rémunération des nouvelles missions et être un complément de revenus.
Une enveloppe plus large.
Pas question non plus pour Gilles Bonnefond que la nouvelle rémunération s’effectue à enveloppe constante. « On serait la seule profession à devoir faire plus en étant rémunéré moins ! » s’indigne-t-il.
« Nous sommes tous d’accord sur le fait que nous ne pouvons pas travailler à enveloppe constante », renchérit Frédéric Laurent, président de l’Union nationale des pharmacies de France (UNPF). De toute façon, affirme-t-il, « le réseau n’est pas prêt à basculer dans la rémunération uniquement à l’honoraire. Il faudrait adapter les locaux, aménager des espaces de confidentialité et changer le mode de travail en formalisant et en protocolisant les actes », détaille Frédéric Laurent. Cela risquerait aussi de créer de la distorsion entre les officines. Pour le président de l’UNPF, la priorité est donc aujourd’hui de redonner « davantage de linéarité à la marge », avant d’envisager une quelconque modification de la rémunération.
Les cartons rouges.
Avant même le début des discussions avec le gouvernement, certaines préconisations du rapport sont d’emblée rejetées. La FSPF, qui déclare pourtant « adhérer à l’essentiel du texte », surtout en ce qui concerne les orientations professionnelles prônées par l’IGAS en matière de prévention, de dépistage ou d’accompagnement des patients, adresse ainsi trois cartons rouges aux inspecteurs. L’ouverture du capital à des non-pharmaciens, la vente de médicaments sur Internet, et l’exigence d’un chiffre d’affaires (CA) minimal pour les officines, fixé à 1,5 million d’euros, sont qualifiées « d’inacceptables » par Philippe Gaertner. Globalement déçu par les recommandations de l’IGAS, Gilles Bonnefond se montre également hostile à l’égard de ces trois propositions. « L’ensemble de la profession est opposé à l’ouverture de capital et il n’est pas question d’en discuter », lance le président de l’USPO. La vente sur Internet ? Elle ne rend pas service au patient et risque de déstabiliser le réseau, estime-t-il. Avis partagé par Frédéric Laurent, qui juge inenvisageable d’ouvrir le capital à des non-pharmaciens ou de permettre la multipropriété de pharmacies, sans limitation de nombre. Il lui paraît tout aussi inopportun d’autoriser le commerce de spécialités sur la Toile. Le président de l’UNPF s’inquiète lui aussi de la recommandation de l’IGAS pour une « taille critique » que devraient atteindre les officines pour pouvoir mettre en place de nouveaux services. « L’IGAS leur préconise de se regrouper pour atteindre cette taille critique, pointe Frédéric Laurent. Or 52 % des pharmacies ont un CA inférieur à 1,5 million d’euros ! » Une proposition qui risquerait de chambouler profondément le maillage.
On le voit, les syndicats ont déjà une idée bien tranchée de ce qu’ils sont prêts à accepter, ou pas. Les négociations peuvent commencer.
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