En utilisant l’article 49.3 pour faire passer ses lois de finances pour 2025, le gouvernement pourrait tomber. Sans budget, sans gouvernement, « ça veut dire qu’au 1er janvier, votre carte Vitale ne marche plus », affirme l’ancienne Première ministre Élisabeth Borne. Vraiment ?
Députés et sénateurs ont trouvé un accord sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2025, en commission mixte paritaire (CMP) le 27 novembre. Résultat : une perte de recettes de 3,9 milliards d’euros et une coupe supplémentaire de 600 millions d’euros dans les dépenses. « On ne peut pas dire youpi ! Ce dont j’ai peur, c’est que la variable d’ajustement ce soit la dette, la qualité des soins ou le niveau de remboursement des médicaments », a réagi le sénateur Olivier Henno (Union centriste) sur « Public Sénat ». Corinne Imbert, pharmacienne titulaire en Charente-Maritime, sénatrice (LR) et secrétaire de la Commission des affaires sociales du Sénat, estime que les principales avancées favorables aux pharmaciens qui ont pu être obtenues seront conservées : les mesures sur la substitution des biosimilaires et l’amendement déposé à l’initiative de l’Ordre sur le suivi des ruptures.
Mais si c’est la première fois en 10 ans que la CMP est conclusive, le texte de sortie qui sera présenté lundi 2 décembre à l’Assemblée nationale est « invotable », selon plusieurs parlementaires. Le gouvernement sortira probablement sa carte du 49.3 et se soumettrait en même temps à une motion de censure. Avec le risque de tomber. Si le gouvernement tombe, si tard dans l’année, la France se retrouverait sans budget pour la Sécurité sociale et surtout sans budget tout court, le projet de loi de finance (PLF) pour 2025 étant lui aussi encore en discussion.
Sans budget et sans gouvernement, « il y aura une tempête probablement assez grave et des turbulences sur les marchés financiers », a prédit Michel Barnier au « 20 heures de TF1 » le 26 novembre. « Tous ceux qui envisagent de voter une motion de censure sur ces textes doivent avoir en tête les conséquences pour les Français (...) Si le budget de la Sécu venait à être censuré, cela voudrait dire qu'au 1er janvier, votre carte Vitale ne marche plus, que les retraites ne sont plus versées », affirmait Élisabeth Borne, soutien au gouvernement, dimanche sur « LCI ». Un shutdown comme aux États-Unis ou une dramatisation ?
Si le gouvernement tombe, le gouvernement démissionnaire gère les affaires courantes dans l’attente d’une nomination d’un nouveau gouvernement. C’est la situation de l’été dernier, après la dissolution. Sans budget, pour que la France continue de fonctionner à partir du 1er janvier, le gouvernement dépose devant l'Assemblée nationale un projet de loi spéciale l'autorisant à continuer à percevoir les impôts existants jusqu'au vote de la loi de finances de l'année (art. 45 de la loi organique relative aux lois de finances). Autre hypothèse, la France est gouvernée par ordonnances. Les constitutionnalistes doivent trancher sur le fait qu’un gouvernement démissionnaire puisse décider par ordonnances, mais ce n’est pas impossible.
Dans tous les cas, au 1er janvier, la carte Vitale « marchera » encore, ainsi que les autres institutions de l’État. Mais la situation sera inconfortable, les mesures attendues ne seront pas là, et l’addition sera salée.
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