Tester-tracer-isoler pourrait bien être le tube de l’été si l’on en croit les annonces faites le 20 juin par le ministre de la Santé dans l’hebdomadaire « Le Journal du dimanche ». Outre la distribution gratuite d’autotests dans les lieux publics (voir encadré), Olivier Véran prédit une saison sous le signe de la vaccination, du tracing des personnes contaminées, voire de leur isolement si elles s’avéraient porteuses du variant delta. Car tout sera mis en œuvre pour éviter une quatrième vague. C’est dire si le spectre d’une résurgence de l’épidémie, à l’instar de ce qu’avait connu l'Hexagone à la rentrée 2020, planera dans le ciel de cet été. Pour autant, bien que les pharmaciens se tiennent prêts à poursuivre leur implication dans le dépistage et la vaccination, aucune consigne n’a pour l'heure été donnée à leurs représentants.
. Tests antigéniques : le cap est maintenu
Rassemblements festifs de grande envergure, réouverture des discothèques au 9 juillet et nombreux festivals obligent, les tests antigéniques auront le vent en poupe. En cette fin juin, avec la fin du couvre-feu, les pharmaciens font déjà face à une recrudescence de la demande de cet outil obligatoire dans le cadre du passe sanitaire pour accéder à certains événements. « Plus de la moitié des tests que nous réalisons actuellement concerne les festivaliers du Rio Loco, à Toulouse », note Laurent Filoche, titulaire à Blagnac et président de l’Union des groupements de pharmaciens d’officine (UDGPO).
Les groupements, dont les filières d’approvisionnement en TAG sont bien assurées, s’attendent à une affluence importante pendant l’été. Alors que leur tarif baissera au 1er juillet à 19 euros (6,01 euros pour le test) contre 22,20 euros aujourd'hui (plus 6,79 euros pour le test), le dépistage devrait occuper les officinaux pendant une bonne partie de la saison.
. Le passe sanitaire, passage obligé
Nouveau passeport pour la liberté, sésame ouvrant les portes des concerts, des boîtes de nuit, des manifestations sportives, mais aussi des casinos, ce document, prévu par un décret paru le 8 juin, sera abondé par les pharmaciens par le biais de trois certificats remis au patient. Le premier apportera la preuve d’une vaccination complète, le second, d’un test négatif (de moins de 48 heures pour l’accès aux grands événements et de moins de 72 heures pour le contrôle sanitaire aux frontières), le troisième concerne une contamination passée sur la base d’un test positif datant d’au moins 15 jours et de moins de six mois attestant d’un rétablissement du Covid-19.
Il est par conséquent impératif que les pharmaciens, comme les autres professionnels de santé, saisissent immédiatement dans SI-DEP les informations relatives aux patients et le résultat du test. Un document - imprimé ou remis par mail ou SMS - permettra ensuite au patient de l’importer dans son application TousAntiCOvid. Quant au certificat de vaccination, le pharmacien, après avoir renseigné l’injection sur Vaccin Covid, peut remettre une attestation au patient. Cependant, depuis le 27 mai, chaque personne affiliée à l’assurance-maladie peut télécharger elle-même le document via le téléservice https://attestation-vaccin.ameli.fr/.
. Vaccination : poursuivre l’ascension
Aucun relâchement n’est possible dans la campagne vaccinale si la France veut atteindre son immunité collective à l’automne. Ouverte à la population dès 12 ans, la vaccination doit se poursuivre, tandis que les rappels des différents vaccins seront honorés. Pour permettre plus de latitude, le gouvernement a modifié, avec l'aval des scientifiques, les intervalles entre la première et la deuxième injection de vaccin à ARN messager : 21 à 49 jours contre 35 et 49 jours auparavant. Cette mesure a son importance puisqu'elle va permettre aux personnes de se faire administrer le vaccin dans un seul et même lieu. Et de simplifier les approvisionnements en vaccins. À condition que ceux-ci soient assurés, objecte Pierre-Olivier Variot, président de l'Union des syndicats de pharmaciens d'officine (USPO). « Nous n'avons pas été informés officiellement de ce changement d'intervalle. Les livraisons vont devoir être prévues en conséquence car les rappels de nos patients vont se télescoper avec ceux des personnes vaccinées dans les centres éphémères qui ont fermé », indique-t-il. Le ministère de la Santé a de nouveau confirmé cette semaine que les centres de vaccination et les professionnels de santé de ville installés dans des zones touristiques recevraient davantage de doses cet été. Les grossistes-répartiteurs suivront de facto les flux de populations, « par le biais des besoins exprimés par les pharmaciens », précise l'OCP.
Pour les estivants souhaitant être malgré tout vaccinés sur leur lieu de villégiature, des dispositifs seront mis en place par les territoires (ARS et préfecture). Les clés de répartition des vaccins ne sont cependant pas encore connues. Les pharmaciens continuent de miser sur le vaccin Pfizer/BioNTech pour intensifier la campagne vaccinale à l’officine, alors que la demande en AstraZeneca, Janssen et même Moderna, s’essouffle. Depuis le 20 juin, des doses de ce vaccin leur sont distribuées dans les centres de vaccination à leur demande. Ce deuxième vaccin à ARN messager, tant réclamé par les professionnels libéraux, fait ainsi son entrée en ville « par la petite porte ».
. Ressources humaines : attention à l’exode
Durement éprouvées depuis le début de la crise, les équipes officinales ont besoin de repos et ont souvent accumulé des jours de congé. Dans ces conditions, décaler, voire annuler les congés n’est pas une option envisageable. Pourtant, les officines doivent s’attendre à une activité soutenue par le dépistage du Covid et la vaccination. Dans ce contexte, le remplacement des collaborateurs s'apparente aujourd’hui au parcours du combattant pour nombre de titulaires.
Sur un marché naturellement en tension, comme le remarque Armand Grémeaux, la recrudescence de la demande accentue la pénurie. « Une solution consiste à jouer la carte de l’hyper spécialisation en affectant chacun des salariés à des taches relevant de son diplôme », recommande le dirigeant de Pharm’Emploi, qui regrette que les pharmaciens étrangers n’aient pas un accès plus aisé au marché de l’emploi. Autre cause de pénurie, la concurrence exercée par les vaccinodromes qui rémunèrent les étudiants 24 euros de l’heure et 32 euros les pharmaciens diplômés. Florent, cofondateur d’Omedo, observe parfois des officines dont la moitié des effectifs sera absente au cours de l’été, Pour cette plateforme d'intérim en pharmacie, pas question pour autant de participer à une surenchère sur les salaires. La démarche serait d'autant plus mal perçue par les titulaires qu'ils n'ont, remarque Laurent Filoche, actuellement aucune visibilité sur l’évolution de leur activité cet été.
. Retrotracing : sur de nouvelles pistes
Aucune trêve estivale pour le virus, promet Olivier Véran qui déclare : « On se met en ordre de marche pour aller chercher toutes les chaînes de contamination. » Si jusqu’à présent, le contact tracing consistait à identifier les cas contacts d’un patient positif au Covid, la nouvelle stratégie va porter sur le traçage de la personne à l’origine de l’infection « aussi loin que possible ». Une méthode japonaise, dénommée retrotracing, permet, selon l’assurance-maladie, de mieux documenter les situations à risque intervenues dans les 10 jours précédant la détection de la maladie. Il peut s’agir d’événements ou de rassemblements ayant provoqué une super-contamination qu’il convient d’identifier par une investigation plus poussée.
Expérimenté en Côte-d’Or et en Loire-Atlantique depuis le 25 mars, le retrotracing a été étendu à 15 départements au1er juin et à 43 autres au 15 juin avant sa généralisation au 1er juillet. Il sera effectué exclusivement par les agents de l’assurance-maladie. Les TROD sérologiques, accessibles en vente libre dans les pharmacies, ne sont en aucun cas inclus au dispositif. Utilisés dans les centres de vaccination en amont des primo vaccinations, ils pourraient ne pas être élargis à l'officine. En effet, le tarif de deux euros, annoncé par l'assurance-maladie pour la réalisation de cet acte, a essuyé le refus des représentants de la profession. Sa non-réalisation à l'officine pourrait donc remettre en cause un pan de la vaccination en pharmacie, remarque Philippe Besset, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF). Ce ne serait vraiment pas le moment alors que la France cherche à atteindre son immunité collective.
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