Le Quotidien du pharmacien.- Comment tenir compte à l’avenir du poids des nouvelles missions dans la valorisation des officines ?
Jérôme Capon.- C’est un exercice extrêmement délicat qu’il faut mener avec les Conseils de l’officine car il nécessite d’analyser en détail la composition du chiffre d’affaires, et d’en extraire les produits à 0 % de TVA liés aux tests et aux vaccins. Le volume de ces activités a nettement amélioré les marges, compensant ainsi la marge réduite sur les produits chers. Deuxième point que nous observons, l’évolution des frais de personnels. En 2021, elle a été certes moins importante qu’on ne l’attendait en raison des problèmes de recrutement. Mais à l’avenir, inévitablement, ce poste va augmenter en raison des nouvelles missions et des tensions sur le marché du travail.
Vous notez une dispersion de plus en plus importante dans les prix, les petites surfaces ayant plus de difficultés à intégrer des espaces de confidentialité nécessaires aux nouvelles missions.
Arnaud Loubier.- Effectivement, la taille est un critère déterminant du prix. Nous observons que les écarts types deviennent de plus en plus importants… On constate désormais deux marchés : les petites officines de moins de 1,2 million d'euros de CA, assez peu recherchées où la négociation est plutôt dans les mains de l’acheteur, et les officines de taille plus importante où la négociation est plus équilibrée.
Certaines officines, en raison de leur lieu d’implantation, ont démontré pendant la pandémie quelques signes de faiblesses jusqu’alors insoupçonnés. Ce constat vous amène-t-il à revoir le mode de valorisation de certaines typologies de pharmacie ?
Jérôme Capon.- Les pharmacies des centres commerciaux, qui ont globalement bien résisté, détiennent la surface suffisante pour se développer en termes de services et de missions et bénéficient des flux de clientèle. C’est une typologie très recherchée, l’offre est bien inférieure à la demande, ce qui pousse les prix à la hausse. Par conséquent, ces ventes sont moins directement liées aux critères de rentabilité. Pour ce qui est des officines situées en zones touristiques ou en zones de bureaux, leur modèle a souffert des confinements mais leur taille importante leur confère globalement une bonne capacité de résistance. Nous nous orientons vers un marché à deux vitesses. D’un côté, des pharmacies attractives pour lesquelles il existe une demande très forte, qui conduit à une augmentation des prix. Ce qui représentera une opportunité pour le vendeur. De l’autre côté, des pharmacies, situées plutôt en zone rurale, où l’acheteur pourra davantage influer sur le prix.
La loi de Finances pour 2022, qui permet d’amortir les fonds de commerce dans le cadre d’une acquisition de fonds, va-t-elle rebattre les cartes dans la nature des mutations ?
Jérôme Capon.- On commence à avoir des dossiers avec amortissement du fonds, mais il est encore trop tôt pour en tirer des conclusions. Attention toutefois, ce dispositif qui a un impact fiscal fort ne doit pas inciter à acheter plus cher. De plus, avec des fonds propres potentiellement négatifs pendant les premières années, il sera difficile d’obtenir un nouveau prêt bancaire pour investir. Par ailleurs, pendant cette période aucun dividende ne pourra être versé, réduisant les possibilités de céder ses parts, le changement de gouvernance deviendra donc plus difficile. Bien sûr, la trésorerie se développera grâce à l’économie d’impôt, ce qui pourra permettre d’autofinancer les investissements. Il faudra aussi tenir compte de la plus-value à la revente. C’est dire si les titulaires tentés par ce dispositif qui reste optionnel, doivent détenir tous les éléments avant de prendre leur décision.
Quant au retour de l’inflation, pensez-vous qu’elle pèsera sur les taux d’intérêt, et par conséquent sur les prix de cessions ?
Arnaud Loubier.- Les taux d’intérêt, au plus bas depuis trois ans, en dessous de 1 % à 12 ans, montent sensiblement depuis quelques mois. Ils pourraient doubler mais resteraient encore très inférieurs à l’inflation, ce qui est, admettons-le, tout à fait paradoxal à la lueur de nos schémas historiques. En tout état de cause, ce ne devrait pas être un frein à l’endettement, ni à l’octroi de crédit. Il y a par conséquent peu ou pas d’impact à en attendre sur un marché des cessions qui reste très fluide. Une inconnue cependant est l’impact psychologique de l’inflation sur le marché. Mais là encore, je pense que les pharmaciens réagiront en entrepreneurs.
En partenariat avec OCP, Interfimo poursuivra la présentation de son étude « Prix de cession des pharmacies 2021 » lors d'un tour de France. Rendez-vous sur interfimo.fr ou ocp.fr pour connaître les villes et les dates.
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