Le Quotidien du pharmacien.- Quel bilan tirez-vous du programme pilote mené dans les Hauts-de-France. ?
Grégory Tempremant.- Globalement, les professionnels de santé (pharmaciens, médecins, infirmiers, sages-femmes) étaient motivés pour participer à ce type d’opération. Mais si 83 % d’entre eux y adhèrent sur le principe, près des deux tiers n’ont pas été satisfaits des conditions du programme. Il y a donc encore beaucoup à faire pour rendre ces bilans de prévention viables et efficaces à l’échelle nationale. Malgré tout, on observe quelques avancées. En effet, ce premier galop d’essai nous a donné l’expérience et le recul nécessaires pour repérer et résoudre les difficultés qui compliquent cet exercice. Nous, représentants de la profession, y croyons et tendons la main, mais il faut que cette dernière soit acceptée et que nos propositions soient prises en compte, notamment sur l’aspect rémunération.
Quelles sont ces difficultés rencontrées par les professionnels de santé et les patients ?
La rémunération (30 euros pour des entretiens d’environ 45 minutes) a très souvent été évoquée. Elle n’est pas suffisante, et selon notre enquête, un tiers des pharmaciens (et 52 % des professionnels de santé) considèrent même qu’elle est « symboliquement dévalorisante ». En outre, de nombreux problèmes structurels ont été relevés. Ainsi, l’auto-questionnaire à destination des patients s’est révélé beaucoup trop fastidieux : 87 % d’entre eux ont eu besoin d’aide pour le remplir ! Les webinaires de formation doivent encore être peaufinés et les outils d’accompagnement (fiche d’aide au repérage et support d’explication par exemple) étaient peu digestes et trop techniques. En outre, la période choisie pour l’expérimentation n’était pas idéale, puisqu’elle était contemporaine à plusieurs campagnes de vaccination, ce qui a compliqué le recrutement de patients. Enfin, beaucoup de professionnels se sont étonné que le programme ne prévoie pas de suivi des patients après le bilan.
Quelles sont vos recommandations pour faire de ce projet un succès durable ?
En plus d’augmenter la rémunération à 50, voire 60 euros, il est nécessaire de revoir l’auto-questionnaire ainsi que les outils de support et de formation, car les expérimentateurs se sont sentis peu accompagnés. Recruter les patients a été compliqué, et le recours à une application ou à un site de rendez-vous tel que Doctolib serait pertinent. Les professionnels de santé veulent également avoir la possibilité d’envoyer les documents d’examens et de suivi dans l’espace numérique de santé du patient. Autre élément primordial : la création d’un code acte pour ces bilans. Sans ce dernier, aucun pharmacien (excepté un !) n’a pu facturer ces bilans à l’assurance-maladie. De plus, la création d’une filière en aval pour mettre en avant les spécialistes vers lesquels les professionnels de santé peuvent orienter les patients améliorerait considérablement l’efficacité du dispositif de prévention. Il serait également judicieux d’inclure un système de suivi des actions des patients suite aux entretiens, pour s’assurer que ceux-ci ne restent pas lettre morte.
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