Après un an d’investigations, et grâce aux signalements de pharmaciens et de laboratoires pharmaceutiques, les enquêteurs de l'Office central de lutte contre les atteintes à l'environnement et à la santé publique (OCLAESP) ont démantelé un large trafic de médicaments français vers l’Égypte. Le préjudice pour l’assurance-maladie se compte en centaine de milliers d’euros.
L’enquête a débuté fin 2019 grâce à des signalements de pharmaciens d’officine et d’industriels du médicament. L’OCLAESP fait rapidement le rapprochement avec des alertes hospitalières d’ordonnances volées ou falsifiées et lance une fiche d’alerte début janvier concernant des escroqueries ou tentatives d’escroquerie aux médicaments. Le 16 janvier 2020, une information judiciaire est ouverte par le parquet de Mulhouse après l’interpellation d’une personne, deux jours plus tôt en Alsace, pour avoir tenté d’obtenir des médicaments avec une fausse ordonnance. La garde à vue est instructive, les gendarmes découvrent la procédure mise en place : le recrutement de « collecteurs », des personnes bénéficiaires de la couverture maladie universelle (CMU), sur Snapchat, rémunérées pour se procurer des médicaments onéreux en pharmacie grâce à de fausses ordonnances ; la remise des médicaments à des « récupérateurs » chargés de les remettre à leur tour à des « exportateurs » qui les acheminent en Égypte.
En juin 2020, les enquêteurs arrêtent six personnes à Paris, soupçonnées d’être à la tête de cette bande organisée, et saisissent 200 000 euros de médicaments et 30 000 euros en liquide. Parallèlement, une personne est interpellée en Italie pour les mêmes faits. Mi-novembre, cinq « récupérateurs » sont interpellés à leur tour. Au total, les gendarmes de l’OCLAESP ont interpellé 15 personnes et saisi 400 000 euros de médicaments et plusieurs dizaines de milliers d’euros en liquide. Selon le colonel Ludovic Lherhart, adjoint au chef de l'OCLAESP, le préjudice subi par l’assurance-maladie, en cours d’évaluation, s’élève à des « centaines de milliers d’euros », les médicaments concernés étant des anticancéreux et des « antihépatiques » coûtant entre 2000 et 14 000 euros la boîte. L’enquête sur la filière égyptienne se poursuit et va s'étendre à la recherche d'autres collecteurs, considérés comme « le premier échelon d'une organisation criminelle multinationale ».
Pour combattre ce type de fraude, l'OCLAESP a mis sur pied une cellule pour centraliser les signalements : la cellule « Sekhmet », du nom d'une déesse égyptienne qui, dans la mythologie antique, envoie des épidémies sur terres pour punir les hommes mais a aussi un pouvoir de guérison. « En un an, nous avons reçu 800 à 1 000 signalements sur des arnaques similaires avec un préjudice qui se compte en millions d’euros », annonce le colonel. Mais au-delà des enjeux judiciaires et financiers, souligne l’OCLAESP dans un communiqué, « le trafic ainsi réalisé, au mépris des règles sanitaires applicables aux médicaments (traçabilité, conditions de transport et de conservation, respect de la chaîne du froid…), en vue de leur délivrance dans des conditions obscures, met gravement en danger la santé des utilisateurs finaux des médicaments ainsi détournés ».
Avec l'AFP.
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