Alors que l'épidémie a littéralement explosé en Inde avec plus de 200 000 cas quotidiens, poussant New Delhi à un confinement, un nouveau variant dit indien est pointé du doigt, notamment pour sa mutation commune avec les variants sud-africain et brésiliens (E484K), qui permettrait un échappement immunitaire. Mais les scientifiques appellent à ne pas céder à la panique. Au Royaume-Uni, où les échanges avec l'Inde sont historiques et où une centaine de cas du variant indien a été détectée, les frontières sont désormais fermées pour les voyageurs en provenance d'Inde.
En France, les trois principaux variants d'intérêt sont sous haute surveillance. Selon les dernières enquêtes de séquençage, les variants brésiliens ne représenteraient que 0,3 %* des cas positifs en France, face à un peu moins de 4 % de variants sud-africains et environ 82 %** de variants britanniques. Derrière ces moyennes se cachent de fortes disparités sur le territoire. En outre-mer en premier lieu. En Guyane, qui partage plus de 700 kilomètres de frontière avec le Brésil, le variant BR-P1 représente 82,4 % des cas positifs. À Mayotte (80 %) et à la Réunion (58,3 %), c’est le variant sud-africain qui inquiète.
Tout comme en Moselle, où la situation semble néanmoins s’améliorer. Selon Alain Fischer, président du Conseil d'orientation de la stratégie vaccinale, le variant sud-africain y a culminé à 40 % des cas positifs en février mais est désormais retombé à 24 %. C’est dans ce cadre qu’une expérimentation a pris place dans les pharmacies mosellanes, en capacité d’administrer le vaccin Moderna depuis cette semaine. À la différence du reste du territoire, l’espacement entre deux doses est maintenu à 28 jours et non à 42 jours, parce que « c'est l'intervalle optimal ». Pour autant, constatant la baisse du taux de contamination par le variant sud-africain, le gouvernement continue de recommander la vaccination avec AstraZeneca chez les 55 ans et plus dans ce département.
Les craintes face aux variants sont multiples, elles concernent à la fois leur contagiosité, leur dangerosité et leur capacité à échapper à la réponse immunitaire. Ils présentent tous une mutation commune (N501Y) qui augmente la transmissibilité du virus de 30 à 60 %. Mais les variants sud-africain et brésilien comptent une mutation supplémentaire (E484K)*** qui semble entraîner « un échappement immunitaire significatif », souligne le Conseil scientifique Covid-19 dans son avis du 16 avril. Son hypothèse : face à une baisse des possibilités de transmission, le virus développe des stratégies pour se diffuser. C’est l’effet de la pression de sélection immunitaire.
Propagation non maîtrisée
Or les vaccins actuellement disponibles ont tous été conçus pour combattre la souche originelle du SARS-CoV-2. La bonne nouvelle est qu’ils semblent tous garder leur efficacité face au variant britannique, actuellement le plus répandu. En revanche, la réponse est moins bonne face aux variants brésiliens et en particulier face au sud-africain qui présente une « mutation d’échappement » supplémentaire. Cependant, rappelle le Conseil scientifique, ces observations ont été faites in vitro sur la seule réponse humorale (anticorps) et il semble que la réponse cellulaire conserve une « protection croisée entre les différents variants (…) excellente ». Dans le doute, et parce que les études en vie réelle manquent encore, les vaccins à ARN messager, dont la réponse humorale, même diminuée, reste plus élevée face aux variants sud-africain et brésiliens, doivent être privilégiés dans les territoires où leur circulation est majoritaire (voir l'entretien ci-dessous avec le Pr Christine Rouzioux).
Les variants brésiliens sont l’objet de toutes les craintes. À tel point que, le 14 avril, le gouvernement a interdit les déplacements du Brésil vers la France et a prolongé cette décision le week-end dernier jusqu’au 24 avril. Inquiet de « la propagation non maîtrisée du virus dans certains pays, et en particulier de plusieurs variants d’intérêt faisant craindre un risque de transmissibilité accrue ou d’échappement vaccinal », le Premier ministre Jean Castex a annoncé samedi dernier que de nouvelles mesures vont être mises en place dès la levée de la suspension des vols. Un ensemble de dispositions qui s’appliquera aux personnes en provenance du Brésil, d’Argentine, du Chili et d’Afrique du Sud, mais aussi en partie aux voyageurs revenant de Guyane. La liste des pays concernés pourrait s’allonger, prévient le gouvernement.
Des jeunes en soins intensifs
Pourquoi de telles mesures alors que les variants brésiliens ne représentaient que 0,3 % des cas positifs au 30 mars et qu’aucun cluster n’a été identifié ? Pour le Conseil scientifique, la situation internationale pousse à la vigilance face à « un risque d’extension du variant BR-P1 (...) durant l’été 2021 si on observe une baisse du variant UK ». Plus transmissibles, ces variants se sont développés à la faveur d’une absence totale de contrôle au Brésil et ont rapidement essaimé dans les pays voisins, et même sur le continent. Ils possèdent plusieurs mutations d’échappement immunitaire et peuvent réinfecter des sujets (15 à 30 %) ayant déjà fait la maladie. Le variant P1, détecté en décembre à Manaus et qui n’a cessé de muter depuis, est rapidement devenu majoritaire au Brésil et semble prendre le dessus sur le variant P2, détecté à Rio de Janeiro. Sur place, les scientifiques parlent de 92 souches déjà identifiées. Avec environ 100 000 nouveaux cas par jour, le virus mute à tout va et fait apparaître de nouveaux variants pouvant passer les frontières et atteindre le reste du monde en quelques jours… Certains déplorent un « laboratoire de variants à ciel ouvert pouvant compromettre la lutte contre la pandémie dans le monde entier ».
La dangerosité de BR-P1 est encore difficile à estimer. « Même s’il manque des études épidémiologiques robustes qui expliquent l’augmentation du nombre de jeunes en réanimation, il paraît probable que cela est dû au variant BR-P1 », estime le Conseil scientifique. Le 11 mars, une étude de l’Association brésilienne des soins intensifs (AMIB) révélait que la majorité (52,2 %) des Brésiliens en soins intensifs pour Covid a désormais moins de 40 ans, alors qu’ils n’étaient que 14,6 % au début de la pandémie il y a un an et 45 % entre septembre et février dernier. Pour les chercheurs, le variant BR-P1 est la principale cause de la hausse spectaculaire du nombre de morts (66 000) en mars au Brésil. Le mois d'avril pourrait être bien pire.
* Données enquête flash au 30 mars 2021.
** Données des tests positifs criblés du 29 mars au 4 avril.
*** Un 4e variant d’intérêt est sous surveillance, il s’agit du variant britannique (UK-B.1.1.7) qui présente également la mutation (E484K) propre aux variants brésiliens et sud-africain. Neuf cas ont été détectés en France au 8 avril.
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