Contrairement à ce que l'on pourrait croire, des pharmaciens vaccinent déjà leurs patients contre le Covid-19… Mais à l'étranger ! Quand des officinaux britanniques, américains ou encore irlandais participent déjà activement à la campagne de vaccination, leurs confrères français attendent de pouvoir se lancer, au grand dam des syndicats qui les représentent.
Pourtant, selon l'Union des syndicats de pharmaciens d'officine (USPO), « les pharmaciens, les médecins et les infirmiers sont prêts à vacciner contre le Covid-19. La population le réclame tous les jours », affirme ainsi le syndicat, qui demande au gouvernement « d’autoriser, sans plus attendre, les professionnels de santé de ville à vacciner dans leurs cabinets, leurs officines ou à domicile ». Pour appuyer son argumentaire, l'USPO rappelle que la Haute Autorité de santé a préconisé à plusieurs reprises de mettre les officinaux à contribution. L'instance souligne l'expérience des officinaux acquise grâce à la vaccination antigrippale, fait valoir la proximité du réseau et insiste sur les garanties offertes par le circuit pharmaceutique.
« On attend le dernier moment ? »
De son côté, la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) a encore récemment demandé que le vaccin d'AstraZeneca, qui a été validé vendredi par l'Agence européenne du médicament, « soit disponible en officine pour les libéraux de ville et que les pharmaciens puissent vacciner sur la base du volontariat ». Philippe Besset, président de la FSPF, dissimule mal son agacement : « les pharmaciens sont mis à contribution en Grande-Bretagne pour la vaccination anti-Covid. On attend quoi en France ? Le dernier moment ? »
Pouvoir vacciner contre le Covid-19 : les pharmaciens et la population « n'attendent que ça », a également souligné Carine Wolf-Thal, présidente du Conseil national de l'Ordre des pharmaciens (CNOP), lors de la présentation de ses vœux, le 28 janvier. Alors qu'une centaine d'établissements pharmaceutiques assure déjà la livraison de vaccins et que des officines approvisionnent aussi certains EHPAD, la profession est maintenant « prête à passer aux étapes suivantes », affirme-t-elle. Si elle ne veut en aucun cas remettre en cause le rôle et l'efficacité des centres de vaccination, Carine Wolf-Thal estime que s'appuyer sur le réseau de proximité offert par les professionnels de santé de ville est désormais indispensable. « Il y a aujourd'hui un millier de centres de vaccination en France, c'est très bien, mais des officines il y en a 21 000. Des difficultés d'accès à ces centres ont été évoquées par les associations de patients, notamment pour la prise de rendez-vous, il y a des trous dans la raquette. » Des trous qui pourraient être en partie comblés par les pharmaciens si ces derniers obtiennent bel et bien l'autorisation de vacciner leurs patients contre le Covid-19.
Ne pas renoncer aux vaccins à ARN messager
Si le ministre de la Santé s'est montré favorable à l'idée d'autoriser les pharmaciens à vacciner, ces déclarations attendent désormais d'être traduites en actes. « Il faut anticiper et surtout ne pas attendre la dernière minute », affirme Carine Wolf-Thal. Elle estime que les retards à prévoir pour les livraisons de doses de vaccin ne doivent pas être un frein à la vaccination contre le Covid en pharmacie. « Nous avons montré avec les masques que nous pouvions parfaitement organiser une distribution au compte-gouttes, voire à l'unité. Le vaccin d'AstraZeneca doit bientôt être disponible. Si nous avons des doses en faible quantité, il est pertinent de faire de l'officine un lieu de stockage du vaccin. Les pharmaciens pourraient vacciner eux-mêmes, arroser tous les territoires et permettre aux autres professionnels de santé de s'approvisionner », expose-t-elle. Pas question non plus de renoncer définitivement aux vaccins à ARN messager. « Le vaccin Pfizer se conserve cinq jours dans un frigo normal, même avec le temps de transport il reste encore deux ou trois jours pour les utiliser à l'officine. Les questions de logistique ne sont pas rédhibitoires », souligne-t-elle.
Comment répartir les doses entre les pharmacies ?
Si la vaccination anti-Covid à l'officine devient réalité, restera alors la question de la répartition des doses disponibles entre les pharmaciens volontaires. Au Royaume-Uni, seulement 200 officines, sélectionnées par les autorités sanitaires locales, vaccinent contre le Covid. De ce côté de la Manche, la stratégie est claire, il s'agit de permettre dans un premier temps à des grosses pharmacies, capables d'écouler des volumes importants de vaccins, de se lancer, puis, dans un second temps, d'impliquer un nombre croissant d'officines. Un modèle qui semble impossible à imaginer en France, comme l'a souligné Carine Wolf-Thal. « On ne va pas pouvoir livrer 21 000 officines d'un seul coup, c'est certain, mais on ne va pas non plus sélectionner des pharmacies, la force du maillage c'est justement de pouvoir perfuser tout le territoire, rappelle-t-elle. On pourrait envisager, par exemple, un système de stocks tournants. Sur un bassin de vie défini, à l'échelle d'un canton ou d'un département, il s'agirait de livrer une semaine la moitié des officines, puis d'approvisionner l'autre moitié la semaine suivante. » Un scénario parmi d'autres pour l'entrée en scène des pharmaciens dans la campagne.
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