Consommation d'antibiotiques en élevage

De l’antibiorésistance au bien-être animal

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Publié le 03/11/2020
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Depuis le premier plan Écoantibio lancé en 2012, la consommation des antibiotiques en élevage animal a diminué de 50 % en France. Dans l'Union européenne, où leur usage en tant que facteurs de croissance est par ailleurs interdit depuis 2006 dans l'alimentation animale, les antibiotiques vétérinaires ont désormais des conséquences très faibles sur l’antibiorésistance humaine.

Ce n’est pas le cas dans les pays du Sud, où leur usage reste largement anarchique. « Avec les échanges commerciaux, on pourrait bien voir arriver les résistances par l’étranger, il faut travailler à l’échelle mondiale », prévient le Dr Christian Ducrot, vétérinaire épidémiologiste à l'Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE) et fondateur du réseau R2A2, le think tank de l’antibiorésistance.

« Comme en médecine humaine, l’antibiotique, c’est souvent un moyen efficace et bon marché de régler le problème avec l’assurance qu’il sera réglé », explique-t-il. Le projet européen Roadmap piloté par la France a ainsi montré l’importance, pour l’usage raisonné des antibiotiques, de la qualité de la relation humaine entre l’éleveur, le technicien et le vétérinaire.

Des critères d'alerte par élevage

Ce trinôme est essentiel en élevage, où l’on pratique la métaphylaxie, c'est-à-dire le fait de soigner tout un lot d’animaux en fonction de critères d’alerte sanitaires (nombre de malades ou de morts). « On pratique au minimum un bilan sanitaire annuel ensemble », explique le Dr Jocelyn Marguerie, vétérinaire spécialisé en volailles et membre du groupe professionnel Cristal. Autopsies, examens complémentaires, vaccins, antibiotiques, antiviraux, vermifuges, produits d’hygiène, tout est passé en revue. Sans oublier des éléments de performance tels que la mortalité ou les saisies de l’abattoir. « Notre rôle est d’en faire la synthèse et de définir avec l’éleveur et son technicien des critères d’alertes personnalisés, à partir desquels il doit nous solliciter », poursuit celui qui a fondé Alterbiotique, une solution d'accompagnement à la carte pour l’utilisation raisonnée des antibiotiques et le bien-être animal. 

La prévention passe aussi par la biosécurité, avec une bonne gestion des flux et des fluides, la mise en place de barrières sanitaires autour de l’élevage et les vides sanitaires entre les lots. La formation des éleveurs est essentielle, notamment lors de périodes critiques (tous premiers jours de vie, sevrage, etc.) où les conditions de confort (température, hygrométrie, accès à l’alimentation et stimulation) sont déterminantes.

En France, les producteurs vont largement au-delà des exigences réglementaires, poussés par les attentes des consommateurs, comme avec le label « Zéro antibiotique ». « C’est un défi passionnant pour les vétérinaires et cela nous a conduits à faire évoluer notre métier, raconte le Dr Marguerie. Dans ma branche, on pourra presque arriver à zéro antibiotique chez les animaux adultes − pas systématiquement sur les poussins. Mais je ne souhaite pas qu’on s’engage sur la voie du zéro absolu, car cela revient à laisser mourir des animaux qu’on aurait pu soigner facilement. C’est un enjeu de bien-être de l’animal mais aussi de l’éleveur. »

Et la pression des citoyens sur le bien-être animal en élevage est au moins aussi importante que celle sur les antibiotiques. Mais sortir les volailles des cages, voire les mettre à l’extérieur, tout en restant dans un élevage économiquement viable et sans repasser à l’antibiothérapie massive nécessite des évolutions techniques et des compromis. 

 

Dr Charlotte Pommier

Source : Le Quotidien du Pharmacien