« COMME LE VÉTÉRINAIRE est à la fois prescripteur du médicament et dispensateur, à l’heure où l’on met le projecteur sur les conflits d’intérêts, il va de soi que, objectivement, il s’agit bien d’un conflit d’intérêts. » Cité par l’AFP dans une dépêche du 20 mai dernier, le président du Conseil supérieur de l’Ordre des vétérinaires (CSVO), le Dr Michel Baussier, tient à rectifier le tir. « Cette communication ne traduit pas ma pensée, confie-t-il au « Quotidien ». Ce conflit d’intérêt, qui existe de manière objective pour toute personne qui prescrit ce qu’elle vend, est, de fait, neutralisé pour les vétérinaires, qui offrent finalement une prestation complète, comme l’hôpital par exemple. Le conflit d’intérêt est neutralisé par le fait que le contrat est bipartite entre l’éleveur et le vétérinaire. Le client est le payeur, ce qui, ajouté au fait que le vétérinaire ne détient pas le monopole sur la dispensation du médicament vétérinaire, engendre un coût pour ce tout indissociable qui n’est pas extensible. »
Les pharmaciens, qui dénoncent depuis de nombreuses années ce conflit d’intérêt, rappellent l’obligation de séparation entre prescription et dispensation en médecine humaine, qui a tout autant sa raison d’être pour les médicaments vétérinaires. « Un prescripteur qui réalise un bénéfice, même minime, sur la vente de ce qu’il prescrit, ne va pas naturellement vers la baisse de prescription. Or, c’est le but recherché avec les antibiotiques : réduire de 25 % leur consommation à cinq ans, comme cela a été fait avec les antibiotiques humains », explique Jacky Maillet, président de l’Association nationale de la pharmacie vétérinaire d’officine.
Guichet unique.
Pour le Dr Baussier, les professions réglementées sont au cœur de conflits d’intérêt et c’est la raison pour laquelle elles sont justement réglementées. « Déontologiquement, un vétérinaire ne peut favoriser l’usage abusif du médicament. Ce conflit d’intérêt, qui est neutralisé, est intéressant dans le sens où il nous oblige à passer régulièrement un examen de conscience et à effectuer des actes de transparence. » Michel Baussier va plus loin, en soulignant avec malice que les pharmaciens deviennent, notamment avec la loi Hôpital, patients, santé et territoires, de plus en plus des prescripteurs. « Les pharmaciens demandent la possibilité de prescrire dans certaines conditions. Et le pouvoir de substituer est, quelque part, un acte de prescription. »
Pour l’Ordre national vétérinaire, la prestation du vétérinaire, qui diagnostique et délivre le médicament, fait surtout office de guichet unique qui arrange les éleveurs et les propriétaires d’animaux de compagnie. « L’éleveur est de plus en plus pressé, il veut que ses problèmes soient résolus quand le vétérinaire s’en va, il lui serait insupportable de devoir ensuite aller chercher les médicaments dont il a besoin. »
Jacky Maillet aurait certainement préféré que la dépêche AFP reflète réellement la pensée de Michel Baussier, y voyant un pas en avant déterminant vers la séparation entre prescription et dispensation en santé animale et la réhabilitation des pharmaciens dans la dispensation vétérinaire. « En dehors des quelque 150 pharmaciens qui s’intéressent sérieusement à la pharmacie vétérinaire, il faut reconnaître que le vétérinaire a de bien meilleures connaissances et compétences dans le médicament vétérinaire. Ce n’est pas un hasard si nous participons actuellement à la formation des référents vétérinaires au sein du Conseil national de l’Ordre des pharmaciens. »
Antibiorésistances.
Ces déclarations interviennent dans le cadre de la présentation prochaine, par le Comité national vétérinaire pour un usage raisonné des antibiotiques, d’un plan d’actions nationales en faveur de la lutte contre les antibiorésistances. Il réunit les directions générales de la Santé, de l’Alimentation, de la Prévention des risques, les agences de sécurité sanitaire des aliments et des produits de santé (AFSSA et AFSSAPS), l’Institut de veille sanitaire (InVS), ainsi que les organisations professionnelles des vétérinaires, des pharmaciens, de l’industrie pharmaceutique, des éleveurs, etc. « Deux ans après la mise en place de ce Comité, nous avons un premier projet, qui va être présenté au ministre dans peu de temps. Ce plan d’actions nationales comprend diverses initiatives, comme l’adoption d’une guide de bonnes pratiques de prescription. Comme en santé humaine, le guide recommande d’éviter les antibiotiques dits critiques, à savoir les céphalosporines, les fluoroquinolones et les macrolides. » Michel Baussier aimerait que le Comité réexamine une piste, écartée il y a quelques années. Il s’agirait d’instaurer un prix unique des antibiotiques vétérinaires, afin de mieux encadrer les relations commerciales, d’une part, et de générer une concurrence saine entre vétérinaires, d’autre part. Cette concurrence ne pourrait reposer sur les prix des produits et, donc, la capacité à négocier avec le laboratoire, mais seulement sur la compétence.
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