LA CHASSE au pharmacien vétérinaire continue. « Certes, note Jacky Maillet, président de l’ANPVO, la quinzaine de confrères très investis dans les soins aux animaux de rente ont quasiment tous déjà reçu la visite des inspecteurs, mais, depuis peu, ce sont les 22 000 officines de France qui sont dans le collimateur. » De fait, le zèle des brigades missionnées par la BNEVP(1), la DGCCRF(2), la police et la gendarmerie vise désormais la simple délivrance de médicaments destinés aux animaux de compagnie. Et bien que la part du marché pharmaceutique vétérinaire de l’officine soit inférieure à 7 % (dont moins de 1 % pour les animaux de rente), les contrôles continuent de se focaliser sur les pharmaciens. Ceux concernant l’exercice de la pharmacie des cabinets vétérinaires restant, quant à eux, bien rares. C’est dans ce contexte tendu que l’ANPVO a décidé de réunir la semaine dernière à la même table l’ensemble des représentants syndicaux pour faire le point sur les dossiers chauds de la pharmacie vétérinaire.
Et des dossiers chauds, il y en a. Notamment centrés sur l’une des priorités de santé publique du moment, la lutte contre l’antibiorésistance. De ce côté, l’horizon pourrait bien s’éclaircir pour les pharmaciens. C’est de l’Europe et de ses institutions que semble venir la solution.
Préciser les termes de l’article 107.
« Le projet de règlement européen relatif aux médicaments vétérinaires est au cœur de nos préoccupations », explique Jacky Maillet. Le texte, déposé et examiné ces dernières semaines au Parlement européen, contient un article (n° 107) qui intéresse en effet grandement les officinaux puisqu’il vise à limiter la vente d’antibiotiques par les prescripteurs. Déjà, rappelle le président de l’ANPVO, deux résolutions adoptées à Strasbourg, en 2012 et 2015, avaient clairement reconnu que la délivrance des antibiotiques par leur prescripteur posait problème et recommandaient de séparer le droit de prescrire de celui de vendre ces médicaments. Faire de ces résolutions une obligation, voilà l’occasion qui nous est donnée par l’article 107, estime Jacky Maillet. Problème, si l’article inclus au règlement européen va dans le bon sens - celui d’une restriction de la vente des antibiotiques par les prescripteurs aux seuls cas où le traitement est destiné aux « animaux qu’ils soignent » -, son énoncé reste flou. « Cette formulation autorise toutes les interprétations. Peut-on en effet considérer qu’un vétérinaire soigne lorsqu’il intervient à distance sans examiner ni voir l’animal, comme cela est souvent la règle en France ? », s’interroge-t-il. Pour lever toute ambiguïté, l’ANPVO et les syndicats de pharmaciens ont adressé au rapporteur du texte, la députée Françoise Grossetête, un amendement dans lequel est ajoutée la mention « après qu’un diagnostic ait été posé, uniquement à la suite immédiate de leur examen clinique ».
Que cet amendement passe, l’ANPVO semble ne pas en douter. Prudent, Jacky Maillet tient toutefois à préciser : « l’article 107 ainsi réécrit ne remet pas en cause la possibilité pour un vétérinaire de prescrire des antibiotiques hors examen clinique, il vise simplement à en encadrer la vente pour limiter l’incitation commerciale à les prescrire. »
Réviser le décret d’avril 2007.
Mais la lutte contre l’antibiorésistance n’est pas qu’une question européenne. La France aussi veut se donner les outils juridiques et réglementaires utiles au combat. Ainsi les ministères de la Santé et de l’Agriculture ont missionné l’IGAS(3), début 2015, dans le but d’améliorer le dispositif de prescription hors examen clinique et les conditions de délivrance des médicaments vétérinaires. Le décret dit « prescription et délivrance » des médicaments destinés aux animaux de rente du 24 avril 2007 et le bilan de son application sont au cœur de cette mission. Avant le décret de 2007, la délivrance n’était pas possible sans auscultation de l’animal. Le décret avait introduit des exceptions notamment conditionnées par les bulletins sanitaires d’élevage (BSE), l’instauration de protocoles de soins ou les visites annuelles obligatoires. Plusieurs recommandations portées par l’ANPVO visent à adapter le texte du décret au contexte de lutte contre l’antibiorésistance. Certaines d’entre elles ont d’ailleurs déjà été présentées à la Direction générale de la santé (DGS) fin 2014. « En parfaite cohérence avec l’article 107 du règlement européen, l’association souhaite notamment limiter la vente des antibiotiques par les vétérinaires aux seuls animaux qu’ils soignent, et ce uniquement à la suite immédiate de leur examen clinique. » Remettre obligatoirement les ordonnances aux éleveurs et interdire formellement la mention « renouvellement interdit » sont d’autres recommandations que l’ANPVO souhaite voir introduites dans le texte du décret révisé.
Des raisons d’espérer.
Au total, estime l’ANPVO, la réglementation n’a pas pour vocation de mettre le circuit officinal à l’écart de la dispensation vétérinaire, elle doit au contraire permettre aux éleveurs de l’utiliser à leur convenance sans que cela puisse être remis en cause. Pour Jacky Maillet, l’ensemble des évolutions réglementaires en cours sont des raisons d’espérer. « On a l’impression que notre message passe très bien. Notamment dans les pays nordiques où le découplage est une réalité de fait », souligne-t-il.
« Il y a quelque chose qui transcende tous ces sujets, d’autant que le consommateur semble désormais acquis à notre cause… qui est avant tout une cause de santé publique », insiste enfin Jacky Maillet.
Le règlement européen devrait être voté le 22 septembre prochain, et adopté à Strasbourg en novembre. Son entrée en application est prévue en 2017. La pharmacie vétérinaire tiendra-t-elle jusque-là ?
2) Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes
3) Inspection générale des affaires sociales
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