Cas de comptoir
Le contexte
Un samedi après-midi de printemps, une jeune femme arrive paniquée à la pharmacie.
« En voulant réaliser des bretzels, je me suis renversée de l’eau bouillante sur le bras. À votre avis, faut-il que j’aille voir le médecin ? ».
Les questions à poser
- « Est-ce étendu ? Des cloques sont-elles apparues ? Avez-vous mis votre bras sous l’eau ? Êtes-vous diabétique ou immunodéprimée ? Suivez-vous un traitement particulier ? Êtes-vous enceinte ? Votre vaccination contre le tétanos est-elle à jour ? »
Quelques définitions
Organe recouvrant la totalité de la surface de l’organisme, la peau est constituée de trois couches.
La plus superficielle est l’épiderme, en contact avec l’environnement extérieur. Il repose sur le derme, traversé par un réseau ramifié de vaisseaux sanguins et lymphatiques et de nerfs. Enfin se trouve le compartiment le plus profond et le plus épais (jusqu’à 3 centimètres), l’hypoderme comprenant les dépôts graisseux.
Comme tout organe, la peau possède plusieurs fonctions dont la principale est la fonction de barrière. Cette barrière dynamique assure la thermorégulation de l’organisme et le protège contre la pénétration de micro-organismes et d’agents toxiques, contre les rayons UV et les agressions mécaniques.
Le terme de plaie est employé lorsqu’est constatée une rupture de la barrière cutanée, en particulier par un agent extérieur.
La brûlure est une lésion des tissus cutanés provoquée par la chaleur, des produits caustiques ou par des rayonnements ultraviolets ou ionisants.
Sont distinguées, en fonction de la profondeur de l’atteinte, les brûlures superficielles (brûlures au 1er et 2e degré superficiel) des brûlures profondes (2e degré profond et 3e degré) pouvant entraîner des séquelles.
Un peu de physiopathologie
Focus sur les degrés de brûlure…
La brûlure du 1er degré correspond à un érythème touchant seulement l’épiderme. La vasodilatation des capillaires sanguins, sous l’effet de la chaleur, entraîne une rougeur et une douleur au niveau de la peau.
La brûlure du 2e degré superficiel est douloureuse et s'étend de l’épiderme jusqu'aux papilles dermiques superficielles, entraînant l’apparition de phlyctènes (ou cloques).
On parle de brûlure du 2e degré profond lorsque sont atteints l’épiderme et le derme, avec apparition de phlyctènes mais sans destruction du derme profond, des follicules pileux et des glandes sudoripares.
Enfin, la brûlure du 3e degré se caractérise par la destruction totale de l’épiderme, du derme et parfois de l’hypoderme avec atteinte des terminaisons nerveuses à l’origine d’une perte de la sensibilité. La peau est carbonisée, blanche ou brunâtre, sans phlyctène et insensible. L'absence de douleur doit donc être considérée comme un signe de gravité.
Connaître les critères de gravité
Ces critères reposent sur la localisation, l’apparence (surface, profondeur, saignement) et l’origine de la lésion, sans oublier l’état du patient.
Une plaie simple (éraflure, piqûre, coupure superficielle) est peu étendue, saigne légèrement et est située à distance de l’œil ou d’un orifice naturel. Elle est jugée grave si elle est douloureuse, profonde, si elle saigne abondamment et si elle est localisée au niveau de l’abdomen, du thorax ou près d’un orifice naturel.
Les brûlures au 1er degré et 2e degré superficiel ne sont pas considérées graves uniquement chez l’adulte.
En raison du risque majeur de déshydratation, toute brûlure chez le jeune enfant âgé de moins de 5 ans, chez l’adulte de plus de 60 ans ou en cas de maladie chronique (diabète, immunodépression, insuffisance cardiaque ou respiratoire, maladie rénale chronique) doit conduire à une consultation médicale. Les brûlures au-delà du 2e degré superficiel sont toujours graves car pouvant être à l’origine d’un choc cardiovasculaire et d’une baisse de la tension artérielle. En outre, si la surface corporelle brûlée est supérieure à 10 %, il existe un risque de choc hypovolémique. La consultation médicale est ainsi recommandée pour une brûlure supérieure ou égale à 0,5 %, soit la moitié de la surface de la paume de la main.
Enfin, une brûlure est toujours estimée grave si située au niveau :
- du visage, lié au risque de cicatrices permanentes
- des mains et articulations, en raison de séquelles fonctionnelles
- des orifices naturels, dont le nez ou la bouche où la formation d’œdème entraîne une difficulté respiratoire
- des organes génitaux et l’intérieur des cuisses où la cicatrisation est délicate
Les mots du conseil
« J’ai reçu des éclaboussures d’eau de javel dans les yeux. J’ai rincé mais ça me pique toujours ! »
Tout traumatisme de l’œil (contusion, plaie perforante ou non, brûlure et corps étrangers), est une urgence ophtalmique, même en l’absence de trouble visuel.
En cas de projection de produits chimiques, le premier geste à effectuer est de rincer abondamment l’œil touché avec du sérum physiologique ou un soluté légèrement antiseptique (de type association acide borique, borate de sodium) en évitant que l’eau de lavage ne coule sur l’œil sain. L’œil atteint est ensuite protégé, par un pansement occlusif ou une coque, en attendant la prise en charge ophtalmologique.
« Je me suis coupé le pouce en cuisinant. Ça ne saigne plus, qu’est-ce que je mets dessus ? »
Jusqu’à preuve du contraire, toute plaie de la main et des doigts, même d’apparence superficielle, doit être explorée. La consultation est d’autant plus nécessaire en cas d’engourdissements, de fourmillements ou de perte de sensibilité au niveau de la zone blessée.
« Je me suis blessé à l’arcade sourcilière avec mes nouvelles lunettes en trébuchant sur le trottoir. Je ne supporte pas la vue du sang, je ne me sens pas très bien… »
Les coupures situées au niveau du cuir chevelu peuvent saigner abondamment car la peau est richement vascularisée. La compression ne suffit pas à arrêter le saignement, ce qui requiert des points de suture.
Après avoir évalué la lésion, le pharmacien doit également juger l’état du patient. L’appel au SAMU est indispensable en cas de :
- perte de connaissance ou présence de signes d’état de choc (somnolence, pâleur, pouls et respiration rapides, soif intense, vomissements)
- saignement avec troubles de la coagulation ou traitement anti-coagulant ou anti-aggrégant
Avoir de bons réflexes
En cas de prise en charge à l’officine, le pharmacien commence par se laver les mains avec une solution hydroalcoolique ou, par défaut, avec de l’eau savonneuse, puis revêt des gants stériles à usage unique.
En cas de plaie simple, les corps étrangers (gravillons, débris de verre…) sont retirés pour limiter le risque d’infection.
Pour les brûlures simples, la partie brûlée doit être refroidie en laissant couler, pendant 10-15 minutes, de l’eau froide, qui diminue la douleur, l’extension et la profondeur de la brûlure. La surface brûlée est ensuite recouverte d’un linge propre.
Les victimes immunodéprimées, diabétiques ou dont le statut vaccinal contre le tétanos n’est pas à jour, sont à orienter directement chez un médecin.
Les produits du conseil
Nettoyer, désinfecter et protéger, tels sont les trois mots d’ordre pour limiter le risque d’infection et favoriser la cicatrisation.
Nettoyer
Toute plaie et brûlure est dans un premier temps nettoyée à l’eau et au savon ou par sérum physiologique, avant d’être rincée méticuleusement. Le savon peut en effet inactiver l’action de certains antiseptiques.
Désinfecter
La plaie est désinfectée, toujours en partant du centre vers l’extérieur, avec une compresse et un antiseptique. Privilégier les compresses stériles au coton pouvant laisser des fibres dans la plaie.
Les antiseptiques recommandés sont :
- les biguanides, bactéricides et fongicides, représentés par la chlorhexidine (choisir en solution aqueuse) et l’hexamidine, ayant un spectre d’action plus restreint.
- les dérivés du chlore tels que l’hypochlorite de sodium (Dakin), bactéricide, fongicide et virucide.
- les antiseptiques iodés (polyvidone iodée) de large spectre, à ne pas utiliser chez les nourrissons de moins d’un mois ou en cas d’intolérance à la polyvidone. Ne pas oublier que l’allergie à l’iode n’existe pas, ni les réactions croisées entre la polyvidone et les produits de contraste iodés ou avec les fruits de mer.
- les dilutions à 10 volumes d’eau oxygénée, hémostatique et antiseptique léger, réservées aux petites plaies superficielles
Les colorants antiseptiques d’action bactériostatique (éosine, solution de Milian) ne sont pas indiqués dans le traitement des plaies et brûlures en raison de leur effet asséchant et de la mauvaise visualisation de l’évaluation de la plaie alors colorée.
Le mode d’utilisation (pur, dilué, à rincer…) doit être respecté. Les unidoses sont à privilégier aux flacons ayant une courte durée de conservation et susceptibles d’être contaminés après ouverture.
Protéger
Pour favoriser la cicatrisation en milieu humide, la plaie doit être recouverte d’un pansement adhésif ou d’une compresse stérile maintenue par un sparadrap.
Les pansements doivent être changés toutes les 24 à 48 heures, selon l’évolution de la lésion cutanée et l’état du pansement (souillé, décollé…).
Des bandelettes adhésives peuvent être déposées sur une coupure peu profonde ou peu étendue afin de rapprocher les bords et obtenir une meilleure cicatrisation. Elles se retirent au bout de sept jours.
Après avoir calmé la douleur par eau froide, une crème grasse est ensuite appliquée en couche épaisse, plusieurs fois par jour, sur les brûlures au 1er degré. Il s’agit d’émulsion protectrice et calmante favorisant une meilleure cicatrisation de l’épithélium cutané.
Les composants utilisés sont la trolamine (Biafine), le calendula (Cicaderma) ou l’allantoïne (Cicatryl).
Des émollients peuvent également être appliqués sur les brûlures au 1er degré (association glycérine, vaseline, paraffine (Dexeryl)) ainsi que des hydrogels osmotiques (Osmo soft), permettant d’apaiser, hydrater et réduire les rougeurs.
Pour les brûlures au deuxième degré superficielles et propres, les pansements gras (ou interface) sans antibactérien peuvent être employés. Ils sont composés d’une trame en tulle évacuant l'excédent d'exsudat, associée à de la vaseline, réhydratant la peau et/ou des hydrocolloïdes favorisant la cicatrisation en milieu humide. Exemples : tulles vaselinés, avec ou sans additifs, tulles siliconés, tulles avec hydrocolloïdes.
Des pansements membranes sans antibactérien peuvent aussi être utilisés. Ils couvrent la brûlure, la protègent, absorbent éventuellement les exsudats et maintiennent un milieu humide. Plusieurs sous-catégories : hydrocolloïdes, hydrocellulaires, alginates etc..
Attention aux produits à base de lanoline et Baume du Pérou susceptibles de provoquer des allergies.
Les brûlures au 1er degré guérissent sans séquelle en une semaine, celles au 2e degré en 15 jours. En l’absence de signes de cicatrisation, le patient doit être dirigé vers un brûlologue.
Pour éviter les marques de cicatrice sur les zones exposées, il convient de rappeler au patient d’appliquer une protection solaire à indice maximal.
Traiter la douleur
Les antalgiques de premier palier sont à conseiller afin de calmer la douleur :
- paracétamol, 500 à 1 000 mg chez l’adulte toutes les 6 heures/15 mg/kg toutes les 6 heures chez l’enfant
- aspirine : 500 à 1 000 mg jusqu’à 3 fois par jour chez l’adulte/25 à 60 mg/kg/jour en 3 à 4 prises chez l’enfant
L’ibuprofène peut également être employé à la posologie de 200 à 400 mg 3 fois par jour chez l’adulte, 20 à 30 mg/kg/jour en 3 à 4 prises chez l’enfant.
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