L’impensable est arrivé. Depuis le printemps, tous les patients avec une hépatite C dépistée ont désormais accès à un traitement de leur infection virale, quel que soit le degré d’atteinte hépatique.
« L’accès universel au traitement de l’hépatite C est l’événement majeur de 2017, un progrès extraordinaire », s’émeut le Pr Christophe Hézode, hépatologue à l’hôpital Henri Mondor, Créteil. Traiter tous les patients doit permettre d’éradiquer la maladie (objectif de l’OMS en 2030), cette maladie virale responsable d’atteintes hépatiques et extra-hépatiques, pressentie comme nouveau facteur de risque cardiovasculaire (1). Avec l’accès universel, la baisse du prix du traitement est significative : 45 000 euros il y a peu, 28 000 euros aujourd’hui pour un traitement de 12 semaines.
Des stratégies de traitement simplifiées
Le deuxième événement majeur de l’année est l’arrivée de la première stratégie pan-génotypique avec activité antivirale sur tous les génotypes en 12 semaines (Epclusa, association sofosbuvir/velpatasvir). Cette stratégie assure plus de 95 % de guérison que le patient ait ou non une cirrhose, soit naïf de traitement ou en échec d’interféron pégylé/ribavirine. « Le schéma thérapeutique est simplifié : 1 cp/jour pour tout le monde et 12 semaines pour tout le monde », explique le Pr Hézode, précisant que cette stratégie pourrait remettre en question l’intérêt du génotypage systématique.
Et les patients les plus sévères, avec cirrhose décompensée ? « C’est la seule indication de la ribavirine : Epclusa, associé à la ribavirine assure en 12 semaines 85 à 96 % de guérison, taux les plus élevés jamais observés dans un essai thérapeutique chez ces patients sévères », note le spécialiste. Une deuxième stratégie pan-génotypique (Maviret, glecaprevir/pibrentasvir) était disponible dans le cadre d’une ATU en cas d’impasse thérapeutique. L’AMM est attendue début 2018. « Nous aurons alors 2 stratégies pan-génotypiques (inhibiteur de la protéase/inhibiteur de NS5A) : Epclusa (sofosbuvir/velpatasvir) et Maviret (glecaprevir/pibrentasvir). Maviret (3 comprimés en 1 prise/j) traitera en 8 semaines les patients sans cirrhose, et 12 semaines ceux avec cirrhose », poursuit-il. Une troisième molécule en ATU, le voxilaprevir (un inhibiteur de la protéase), associée au sofosbuvir/velpatasvir (VESOVI, 1 comprimé/jour), sera réservée aux échecs d’un premier traitement par antiviraux oraux. Cette stratégie guérit 95 % des patients (quels que soient le génotype et le degré d’atteinte hépatique).
Vers une prescription universelle
L’épidémiologie a changé. Les patients sévères ou en échec thérapeutique ont été largement traités au cours des dernières années. Le traitement universel a signé la fin des réunions de concertation (RCP) obligatoires. Les RCP sont réservées aux échecs des antiviraux directs, co-infections VIH ou VHB, insuffisances rénales, ...). En 2016-2017, 80 % des patients sont naïfs de traitement et n’ont pas de cirrhose. La prescription (essentiellement hospitalière, réservée aux hépato-gastro-entérologues et infectiologues) doit s’élargir : « La question d’une prescription universelle se pose. Avec la fin des RCP obligatoires et des patients plus faciles à traiter, tout médecin devrait pouvoir prescrire ces traitements », avance le Pr Hézode. En Australie, la prescription par tous a amélioré le dépistage et le nombre de patients traités. Dans les centres d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques pour usagers de drogues CAARUD, centres de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie CSAPA, prisons et centres d’accueil des migrants, une réorganisation s’impose. Plutôt que d’envoyer ces populations précaires vulnérables chercher le traitement à l’hôpital, l’idée d’une prise en charge intégrée dans une unité de temps et de lieu émerge : dépistage par TROD, prescription par le médecin du centre, traitements disponibles en officine.
Recontacter, dépister et surveiller après traitement
Reste à recontacter les patients VHC+ perdus de vue car antérieurement non éligibles aux traitements, pour les traiter (fouiller dans les dossiers) et à résoudre la question du dépistage : sur facteur de risque, populationnel ou sur l’ensemble de la population ?L’épidémie VHC cachée concernerait 70 000 patients qui s’ignorent, infectés dans les années 1980 (chirurgie, réanimation, drogue, transfusion). Pour les repérer il faut interroger, fouiller dans les dossiers, faire preuve d’inventivité (la campagne d’affichage sur les bus et trams dans les Alpes maritimes a boosté le dépistage) et idéalement s’appuyer sur une initiative nationale. En cas de fibrose sévère ou de cirrhose, l’éradication du VHC n’élimine pas le risque de carcinome hépatocellulaire. Surveiller les patients comme le lait sur le feu par échographie hépatique tous les 6 mois. Redoubler de vigilance en cas de diabète (facteur de risque identifié). Le taux de réinfection de populations avec comportements à risque pose problème surtout chez les hommes ayant du sexe avec les hommes (25 %) - le traitement simplifié n’incite pas à modifier les comportements -, moins chez les usagers de drogue (3 à 5 % à 3 ans).
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