Une étude américaine sur les maladies cardio-vasculaires

Arrêter un traitement, quitte à raccourcir sa vie

Publié le 12/02/2015
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À la question « préférez vous mourir plus jeune et, en contrepartie, ne plus suivre de traitement ? », un tiers des Américains répondent par l’affirmative. Les conclusions de cette étude menée par deux universités américaines en disent long sur le poids des contraintes liées à l’observance.

FAUST, déjà, avait été placé face à ce dilemme : la réalisation de ses désirs en échange de son âme. Cette fois, le contrat porte sur un autre marché : renoncer à un traitement de prévention des maladies cardio-vasculaires, quitte à y perdre des années de vie.

Ce « deal » a été proposé en mars 2014, par les chercheurs du département médical de l’University of California San Francisco (UCSF) et de l’University of North Carolina at Chapel Hill*, à un panel de 1 000 personnes âgées pour la plupart de plus de 50 ans, 79 % étant sous traitement médicamenteux.

Pré requis de cette étude, le traitement évoqué dans le questionnaire consiste en la prise quotidienne d’un comprimé unique – une statine ou même une aspirine – ; il est sans effets secondaires et sans coûts.

L’étude aboutit à un résultat étonnant. Une personne sur trois se dit prête à céder à ce chantage ; 21 % affirment qu’elles échangeraient entre une semaine et une année de leur vie pour pouvoir arrêter ce traitement quotidien ; et 8 % sacrifieraient même deux ans de leur vie pour ne plus avoir à avaler chaque jour un comprimé.

Pour une poignée de dollars.

Si elles restent 70 % à ne vouloir transiger ni sur leur traitement, ni sur le temps qu’il leur reste à vivre, et 62 % à ne pas vouloir risquer une mort immédiate, 13 % des personnes interrogées se disent prêtes à un risque minimal de mort immédiate (0,0001 %) pour pouvoir arrêter leur traitement et 9 % accepteraient un risque de mort immédiate d’une chance sur dix.

Deuxième versant de l’étude, l’échange monétaire. Il a été proposé de troquer l’arrêt immédiat du traitement contre au minimum 1 000 dollars (881 euros). Surprise, ils ne sont que 21 % à vouloir monnayer leur « liberté » pour 1 435 dollars en moyenne (1 265 euros), 43 % des personnes interrogées refusant catégoriquement cette option. « Nous avons tenté de quantifier dans quelle mesure l’acte de prendre un comprimé, c’est-à-dire l’obtenir, se souvenir de le prendre, et de le prendre effectivement, interfère sur la qualité de vie d’un individu », expose Robert Hutchins, directeur de l’étude et médecin au département médical de l’UCSF, division de médecine générale interne. Les résultats mettent en évidence le poids de ces contraintes. « Même si l’on fait abstraction des effets secondaires du traitement, le fait d’avoir à prendre un comprimé par jour peut avoir un effet important sur la qualité de vie individuelle », constate Robert Hutchins, remarquant que cet effet peut être amplifié si l’on considère que « beaucoup d’adultes sont soumis à la prise de plusieurs comprimés par jour ». Un constat qui n’est pas sans conséquence, selon lui, sur l’observance à l’échelle d’une population entière et sur le ratio coût/efficacité d’un médicament. Il précise, certes, que cette étude porte sur les préférences des personnes dans des situations incertaines. Pour autant, d’après le chercheur, les résultats devraient être utiles aux politiques dans l’évaluation de leurs actions de prévention, particulièrement dans l’efficacité des coûts engagés dans la prévention des maladies cardio-vasculaires.

*Publiée le 3 février 2015 dans « Circulation » : Cardiovascular Quality and Outcomes, an American Heart Association journal.
MARIE BONTE

Source : Le Quotidien du Pharmacien: 3153