EN 1996, GL Krauss avait montré que 40 % seuls des neurologues et obstétriciens étaient conscients des interactions entre contraceptifs hormonaux et traitements anti-épileptiques. En 2014, dans sa thèse, C Legrand ajoutait que, s’agissant de l’efavirenz (ARV), rares étaient les médecins généralistes connaissant les risques de diminution de l’efficacité de ce traitement en cas de prise d’œstroprogestatifs (OP) [26 %] et de progestatifs (15 %). Enfin, en cas d’automédication, 14 % des jeunes femmes interrogées connaissent l’interaction OP et millepertuis.
Marge thérapeutique.
En pratique, le problème se pose essentiellement pour les médicaments à marge thérapeutique étroite : digoxine, anti-épileptiques, AVK, anti-arythmiques… et contraceptifs. Sont concernés parmi eux : les OP mini- ou normodosés, quelle que soit leur voie d’administration, les progestatifs micro- ou normodosés, les implants, les DIU au lévonorgestrel, les progestatifs injectables et les contraceptifs d’urgence : lévonorgestrel ou ulipristal.
Ces interactions médicamenteuses présentent deux types de conséquences. Soit (c’est le cas le plus fréquent) il y a une altération pharmacodynamique –commune au sein d’une même classe pharmacologique sans modification de la concentration plasmatique– soit c’est la pharmacocinétique qui est affectée – pouvant être en relation avec le sujet ou avec le médicament. Elle n’est pas extrapolable au sein d’une même famille pharmacologique.
À noter : médicaments et contraceptifs peuvent interagir en synergie ou en antagonistes. Les interactions peuvent se produire à tous les stades : absorption, distribution, métabolisation. Dans la circulation générale, il peut y avoir une compétition concernant la fixation sur les protéines plasmatiques de transport. Cela entraînera une augmentation de la forme libre.
Quatre enzymes.
Par voie orale, les OP subissent le cycle entérohépatique et sont métabolisés par le foie. C’est là que se produisent de nombreuses interactions médicamenteuses. Il peut y avoir compétition avec le système enzymatique et donc risque d’accumulation de l’une des deux molécules, responsable de surdosage.
Les enzymes intéressées font souvent partie de la famille des cytochromes intervenant dans le métabolisme de nombreuses substances exogènes et endogènes. Le cytochrome P450 est un système complexe d’isoenzymes. Trente ont été identifiés chez l’homme et quatre sont impliqués dans 90 % du métabolisme des médicaments. Le plus important est le CYP3A4 : 50 % des médicaments sont concernés. Ses inhibiteurs vont augmenter l’effet contraceptif et être responsables d’effets indésirables : vomissements, accidents veineux thromboemboliques éventuellement. Parmi eux, les macrolides, les antiviraux, les antifongiques, parfois les anticancéreux tinib (inhibiteurs de tyroxine kinase : imatinib, etc.), le jus de pamplemousse. Quant aux inducteurs, ils sont liés à des échecs contraceptifs.
Il faut savoir interpréter ces interactions en fonction du contexte : exposition aiguë ou chronique. De plus, la modification des effets escomptés peut intervenir pendant toute la durée des traitements mais également le mois suivant l’arrêt de l’inducteur.Par exemple, le lamotrigine (antiépileptique) est inefficace s’il est associé à de l’éthynilestradiol (EE2). L’arrêt des OP va en revanche provoquer un surdosage. Il est conseillé de contrôler le taux plasmatique à l’instauration ou à l’arrêt d’un OP. Les progestatifs seuls n’ont pas cet inconvénient.
L’acide valproïque voit ses taux plasmatiques s’effondrer en présence d’EE2, il devient donc inefficace. Quant aux hormones thyroïdiennes, c’est leur fraction libre qui diminue. Il faudra donc penser à augmenter les doses de levothyroxine.
Il a été également rappelé l’action des anti-acides (IPP) au moment de l’absorption et du métabolisme des produits utilisés en contraception d’urgence, s’agissant surtout de l’ulipristal (Ellaone). Il faudra toujours penser à la diminution des effets contraceptifs ou de ceux escomptés pour les médicaments voire à une augmentation des effets indésirables.
En cas de doute, il faut consulter le site de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) et le centre de pharmacovigilance le plus proche. Enfin pour les anti-VIH, les interactions peuvent être complexes.
Un site doit être consulté : www.hiv-druginteractions.org, qui
dispose aussi d’une application mobile.
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Françoise Amouroux
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