Légaliser le cannabis ? Autoriser son usage à des fins médicales ? Ces questions tournent en boucle depuis plusieurs années. Le sujet est revenu sur le devant de la scène à de multiples reprises au cours du mandat de François Hollande.
La semaine dernière Jean-Marie Le Guen, médecin de profession et secrétaire d’État aux relations avec le Parlement, a relancé la polémique en annonçant qu’il aimerait, « à titre personnel », que le Parti socialiste ouvre un débat sur la fin de la « prohibition du cannabis ».
Le porte-parole du gouvernement Stéphane Le Foll, puis la ministre de l’Éducation nationale Najat Vallaud-Belkacem ont rapidement assuré qu’il n’y avait actuellement aucune réflexion en cours sur une éventuelle légalisation du cannabis. « Je ne crois pas que c’est en légalisant le cannabis qu’on va réduire la consommation des jeunes », a pour sa part déclaré la ministre de la Santé, Marisol Touraine.
Le cannabis thérapeutique a derrière lui une longue histoire. Des textes égyptiens, chinois et indiens font état de son usage pour traiter vomissements, maladies infectieuses parasitaires, hémorragies, plusieurs siècles avant Jésus Christ. Des vertus thérapeutiques qui semblent ignorées en Occident jusqu’à la publication dans « The Lancet » de recherches sur son utilisation dans le choléra en 1831.
La solution de l’ATU
En France, sa prohibition date de 1925 par la Convention de Genève, confirmée par la Convention de l’ONU de 1961. Il disparaît de la Pharmacopée française en 1953. Depuis lors, le cannabis est persona non grata dans l’Hexagone. À partir de 1999, l’Agence du médicament est autorisée à délivrer des autorisations temporaires d’utilisation nominatives (ATUn) pour des médicaments qui ne sont pas autorisés en France, y compris donc des produits contenant des cannabinoïdes.
Les premières ATUn pour une spécialité contenant un cannabinoïde de synthèse, le Marinol (dronabinol), sont délivrées en 2001. L’ANSM précise : « Environ 350 patients ont été traités par Marinol depuis 2005. En 2015, 119 patients en ont bénéficié. Le Marinol est actuellement utilisé dans le traitement de douleurs neuropathiques centrales, en l’absence d’alternative thérapeutique, à la demande d’un médecin spécialisé dans la douleur, et dans le cadre d’une structure spécialisée dans l’évaluation et le traitement de la douleur chronique. »
Le cas Sativex
L’usage thérapeutique reste donc une exception. Jusqu’à ce que le Sativex, un spray sublingual contenant tétrahydrocannabinol (THC) et cannabidiol (CBD), tente d’investir le marché français. Pour le laboratoire chargé de sa distribution, l’espagnol Almirall, c’est le début d’un long combat. Développé à la fin des années 1990 par le Britannique GW Pharmaceuticals, il obtient sa première autorisation de mise sur le marché (AMM) au Royaume-Uni en 2005, puis au Canada. L’Espagne suivra en 2010, ouvrant la voie à une procédure européenne de reconnaissance mutuelle (PRM) pour six pays désignés* qui s’est achevée en mars 2011, et à une seconde PRM pour 10 autres pays** terminée en mai 2012.
Et en France ? En 2013, la ministre de la Santé Marisol Touraine a modifié par décret le Code de la santé publique permettant la commercialisation d’un produit contenant des cannabinoïdes. Sativex obtient son AMM française le 9 janvier 2014, mais il n’est pas (encore) commercialisé, les négociations de prix entre Almirall et le Comité économique des produits de santé (CEPS) étant toujours au point mort.
La seule solution pour les patients reste l’obtention de l’exceptionnelle ATUn. Ou l’entrée dans l’illégalité. Si la législation française est toujours aussi restrictive, la jurisprudence évolue en faveur du patient. Car les jugements se multiplient pour des usages de cannabis à des fins médicales. L’usager est toujours considéré comme coupable mais il est le plus souvent dispensé de peine.
Des expériences à l’étranger
Et dans le monde ? L’usage thérapeutique du cannabis est de plus en plus toléré. Le grand précurseur est l’État de Californie qui l’a autorisé pour les patients atteints de sida, de cancer et d’autres pathologies graves, dès 1996.
Au Canada, l’usage à des fins médicales est autorisé depuis 2001, la Cour Suprême a étendu les formes de consommations possibles aux biscuits et infusions en juin 2015 et le Premier ministre a déclaré vouloir faire du Canada le premier pays du G7 à légaliser l’usage récréatif. Le 7 avril, l’Association des pharmaciens du Canada a demandé à ce que les officinaux « jouent un rôle de premier plan dans la gestion et la distribution aux patients de la marijuana médicale ».
Mais le pays le plus emblématique à cet égard reste l’Uruguay, premier pays au monde à avoir légalisé en 2013 la production, la distribution et la consommation du cannabis. La loi permet trois modes d’accès : pharmacie, culture à domicile ou appartenance à un club cannabique.
En Europe, l’Italie a autorisé la production de cannabis à des fins thérapeutiques en septembre 2014 afin de faire chuter les prix exorbitants qui en limitent l’accès alors que les patients sont autorisés à l’utiliser depuis 2010. C’est aussi la voie choisie par la République Tchèque. L’utilisation du cannabis médical est légale depuis trois ans et depuis le 23 mars dernier le premier cannabis thérapeutique cultivé localement est disponible dans les pharmacies tchèques.
La Croatie a autorisé l’usage médical de la marijuana en octobre dernier, son ministère de la Santé soulignant que « 12 des 28 pays membres de l’Union européenne » l’ont déjà fait : Allemagne, Autriche, Espagne, Finlande, France, Grande-Bretagne, Italie, Pays-Bas, Portugal, République Tchèque, Roumanie et Slovénie. En Suisse, les pharmaciens de certains cantons veulent expérimenter la vente contrôlée du cannabis en pharmacie (voir page 3).
Enfin, aux Pays-Bas, pays précurseur d’un usage récréatif licite, il existe un Bureau du cannabis médical rattaché au ministère de la Santé, qui assure le contrôle de la distribution des médicaments contenant du cannabis ou ses dérivés. Usages récréatif et thérapeutique du cannabis ne sont peut-être pas si incompatibles que d’aucun le disent.
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