Ils représentent un nouvel espoir de thérapie génique. Les CAR-T cells (Chimeric Antigen Reactor T) sont le résultat d’une reprogrammation des cellules immunitaires d’un malade pour les rendre capables de détruire les cellules cancéreuses. Ce qui engendre une situation nouvelle. « Les hôpitaux deviennent fournisseurs de l’industrie pharmaceutique pour la matière cellulaire de départ qui va permettre la production de médicament, ils s’engagent dans une démarche qualité globale très chronophage qu’ils assurent très souvent à moyens constants », remarque Christian Chabannon, responsable de l’unité thérapie cellulaire et du centre de ressources biologiques de l’Institut Paoli-Calmettes à Marseille.
C’est la raison pour laquelle ce sont les laboratoires pharmaceutiques concernés qui ont sélectionné les hôpitaux capables d’administrer des CAR-T cells, après un audit documentaire, une ou plusieurs inspections sur site et des audits périodiques. « L’activité a historiquement commencé à Paris et Lyon avec les essais cliniques, le maillage territorial se complète progressivement. Actuellement on compte un centre par grande inter-région française, parfois deux, ce qui pose le problème de déplacer les malades à de multiples reprises, de les faire rester à proximité immédiate de l’hôpital où ils ont reçu leur traitement pendant deux mois après l’administration des CAR-T cells et d’héberger leur entourage », souligne Christian Chabannon.
Un long parcours
Outre ces problématiques, les hôpitaux font face à des questions globales comme pour tout traitement – la rechute, la non-éligibilité aux CAR-T cells, etc. – mais aussi à la fourniture des ressources supplémentaires pour la bonne gestion du circuit des cellules et de la prise en charge des patients, ainsi que l’identification de l’ensemble des actes médicaux et médico-techniques associés à l’administration des CAR-T cells. « On parle du coût des médicaments outrageusement élevé mais on ne parle pas du coût des ressources mobilisées à l’hôpital. Aux États-Unis, on pense que le coût pour l’hôpital est à peu près du même ordre de grandeur que le coût du médicament, c’est-à-dire qu’on double le coût du traitement. La plupart des hôpitaux américains ont fait le constat qu’ils perdaient de l’argent en donnant accès aux CAR-T cells. En France, quand on congèle des cellules au profit d’un laboratoire, cet acte passe par pertes et profits car il n’y a pas de nomenclature, il n’y a pas de modèle de paiement », détaille Christian Chabannon. Or le nombre d’établissements engagés dans les CAR-T cells étant limité, ils sont extrêmement sollicités par les laboratoires fabricants, aussi bien pour des traitements validés que pour des développements en cours.
Pour le patient qui va être traité avec des CAR-T cells, le parcours peut sembler long, mais il est difficile de le condenser. Après aphérèse, il se passe environ 30 jours avant administration du médicament. Cécile Rabian, directrice médicale chez Gilead, explique : « Nous récupérons la poche de prélèvement à la sortie de l’unité d’aphérèse, elle est transportée dans un conteneur réfrigéré jusqu’à notre centre d’Amsterdam qui se charge de congeler les cellules, qui sont ensuite transportées par avion sur notre site de production à Los Angeles, où les cellules sont décongelées, transformées, recongelées et réexpédiées à Amsterdam. Après contrôle qualité, on procède à la libération du lot, la poche congelée est livrée à l’hôpital et passe sous la responsabilité du pharmacien. » Afin de raccourcir ce cycle, un site de fabrication a été mis en place par Gilead en Europe, à Amsterdam, site qui devrait pouvoir produire ses premiers CAR-T cells début 2020.
Une coordination essentielle
Pharmacien chef de service au centre hospitalier de Lyon Sud, Catherine Rioufol décrit les spécificités de ces médicaments : un stockage cryogénique à -196 °C dans de l’azote liquide, une décongélation au bain-marie, une préparation sous hotte à flux d’air laminaire vertical pour certains d’entre eux. Des spécificités qui ne posent pas de problème aux pharmaciens hospitaliers, habitués à préparer les anticancéreux injectables et à travailler au plus près des cancérologues et des patients. Après décongélation et remise des CAR-T cells directement dans le service de soins aux infirmières, Catherine Rioufol souligne que le pharmacien reste présent. « C’est le grand jour pour le patient et l’administration ne dure que 10 minutes. Nous restons et nous intéressons à la perception du patient avant et après l’administration. Suit alors une période de surveillance plus ou moins longue. Il arrive qu’il y ait des effets indésirables comme le syndrome de relargage des cytokines, il est donc important que le pharmacien ait à sa disposition un stock de tocilizumab. » La suite du parcours devient de plus en plus ambulatoire même si le patient est reçu en consultation plusieurs fois par semaine par l’hématologue. Le pharmacien hospitalier se charge de l’information aux premiers recours, à savoir le médecin traitant et le pharmacien de ville. La coordination entre tous les professionnels de l’hôpital, mais aussi avec les industriels et les professionnels en ville est essentielle.
Même si des questions sont encore en suspens, à la fois sur des aspects médicaux, organisationnels et financiers, Christian Chabannon, insiste sur la chance des patients français d’accéder aux CAR-T cells, ce qui est loin d’être le cas partout en Europe. « La France fait partie des pays les plus en avance dans ce domaine. »
D'après le Focus « Les CAR-T cells en ordre de marche », organisé par le Groupe Profession Santé (dont fait partie « le Quotidien »), avec le soutien des laboratoires Gilead et Novartis.
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