L’ÉVIDENCE ne saute pas toujours aux yeux, il faut souvent la prouver avant de pouvoir modifier le cours des choses. Espérons ainsi que les résultats de neurologues américains vont sensibiliser les médecins à rechercher et à traiter un éventuel syndrome anxio-dépressif chez les migraineux chroniques. Dans une étude chez 24 000 migraineux, l’équipe du Dr Buse montre que ces sujets seraient deux fois plus déprimés et anxieux qu’en cas de crises épisodiques. Si les auteurs ne se prononcent pas sur le lien de causalité, ils soulignent l’importance d’en tenir compte dans la prise en charge de la migraine chronique. Ce d’autant que les retombées négatives dépassent le cadre de la santé. Les migraineux chroniques rencontreraient davantage de difficultés professionnelles, gagneraient moins bien leur vie, travailleraient davantage à temps partiel.
Céphalées pendant plus ou moins 15 jours/mois.
Les médecins new-yorkais ont ainsi comparé les données sociodémographiques et les comorbidités associées chez plus de 24 000 migraineux en 2005. Deux groupes de sujets ont ainsi été constitués en fonction du caractère récurrent des céphalées : migraine épisodique (ME), migraine définie par la classification ICHD-2 et survenant de 0 à 14 jours par mois, ou migraine chronique (MC), migraine définie par la classification ICHD-2 et survenant pendant plus ou moins 15 jours par mois. Parmi les patients, 655 présentaient une MC. Les migraineux chroniques présenteraient davantage de troubles respiratoires, à savoir asthme, bronchite et maladie chronique obstructive, et de facteurs de risque cardio-vasculaire, tels qu’hypertension artérielle, diabète, hypercholestérolémie et obésité.
Lien de causalité.
Déjà identifiée dans la ME, l’association à certaines comorbidités psychiatriques, respiratoires et cardio-vasculaires est plus forte encore dans la MC, y compris après ajustement sur l’âge, le sexe et les revenus. Les résultats de l’équipe new-yorkaise ne font ainsi que confirmer le poids de la MC sur le secteur économique et les comorbidités associées. Dans une étude publiée en 2003, Zwart et coll. avaient montré en effet que, par rapport à la population générale, la dépression était deux fois plus fréquente en cas de ME et près de sept fois plus en cas de MC.
Au-delà de la condition physique, l’affection chronique est bien plus pesante que la ME, en termes de handicap, de qualité de vie, de soins de santé et de thérapeutique. Les différences de profil socio-économique peuvent refléter les facteurs impliqués dans la progression de la MC et de la ME. Mais l’étude ne permet pas de déterminer dans quel sens s’établit la relation, s’il s’agit d’une sélection sociale ou d’un lien de cause à effet. Reste que le traitement du syndrome dépressif ne pourra qu’améliorer l’évolution de la migraine, l’adhésion au traitement et la qualité de vie globale.
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