RIEN n’est jamais acquis. Les ministres de la Santé qui se sont succédé ces dernières années du côté de l’avenue de Ségur ont beau rappeler leur attachement au monopole pharmaceutique, les attaques ne cessent pas. Pour l’instant, les menaces portant sur une éventuelle commercialisation de médicaments dans les grandes surfaces sont restées lettre morte (voir encadré). Mais le fameux amendement autorisant la vente des tests de grossesse et d’ovulation hors des pharmacies, adopté la semaine dernière au Sénat, représente bel et bien une nouvelle offensive. Dans le cadre des discussions sur le projet de loi Consommation, la sénatrice du Haut-Rhin, Patricia Schillinger, et les membres du Groupe socialiste et apparentés ont en effet déposé un texte visant à soumettre à la libre concurrence ces autotests. Pour eux, cet amendement permettant la délivrance d’une information homogène aux utilisateurs (une notice aisément comprise), et compte tenu du statut juridique communautaire dont bénéficient ces produits, la protection de la santé publique ne justifie plus le monopole de distribution aux seules officines françaises. « La libéralisation de ces produits constitue un levier de croissance important et trouve sa pleine cohérence dans le présent projet de loi, dont l’objectif est le pouvoir d’achat, alors que celui-ci est à un niveau historiquement bas », argumentent les parlementaires.
Le gouvernement favorable.
Le texte a reçu la bénédiction du gouvernement. Le ministre de la Consommation, Benoît Hamon, y voit-là un moyen de faire baisser considérablement les tarifs de ces tests. « Nous voulons agir dans tous les domaines où nous considérons qu’il existe une forme de rente économique », déclare-t-il. Cet amendement est également salué par la ministre des Droits des femmes. « Il s’agit d’une avancée pour notre santé publique, affirme Najat Vallaud-Belkacem. De cette ouverture on peut attendre légitimement une baisse des prix et un accès plus aisé à ces produits médicaux. » « La protection des femmes enceintes est notre priorité, ce qui implique qu’elles aient connaissance le plus tôt possible de leur grossesse », ajoute la porte-parole du gouvernement.
Le lobby de la grande distribution.
« Cela relève d’une approche purement économique des choses », déplore le président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), Philippe Gaertner, qui se dit « choqué qu’un ministre prenne une telle décision sans avoir pris le temps de rencontrer les professionnels concernés ». « Nous n’avons pas été informés de ce projet par le gouvernement, regrette également Gilles Bonnefond, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO). Nous avons été victimes d’une manœuvre souterraine qui nous a empêchés de réagir. » Selon lui, pas de doute, « le lobby de la grande distribution prend une place de plus en plus importante dans les décisions sur la santé. C’est inquiétant ».
À l’inverse des sénateurs, les syndicats estiment que la vente exclusive en officine se justifie encore pour des raisons de santé publique. Certes, la question de l’importance du conseil pharmaceutique lors de la délivrance d’un test de grossesse peut se discuter pour les femmes désirant être enceinte. Mais pour les autres, celles qui souhaitent réaliser un test après un rapport non protégé, le rôle du pharmacien est essentiel. « Il faut souvent rappeler aux femmes que le test ne peut être effectué qu’après un laps de temps, au risque d’être faussement négatif », souligne Philippe Gaertner. Mais surtout, insiste le président de la FSPF, le circuit officinal permet d’orienter les patientes vers une prise en charge différente, voire vers une contraception d’urgence. Difficile d’imaginer que ce conseil sera délivré lors du passage en caisse… Et pour Philippe Gaertner il ne s’agit pas d’une simple posture corporatiste, car l’enjeu économique pour les officines de voir partir ces tests est minime au regard du faible chiffre d’affaires que représentent ces produits.
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Françoise Amouroux
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