AGGRAVÉE PAR la pénurie de dons du sang, la question des groupes sanguins rares préoccupe médecins cliniciens et chercheurs. Un bon espoir de trouver une solution est désormais permis. À Marseille, des chercheurs de l’Établissement français du sang (EFS) viennent de valider un concept prometteur : il est possible de modifier génétiquement des progéniteurs hématopoïétiques et de leur faire exprimer un autre phénotype sanguin. Une première dans le milieu scientifique. « D’ici dix à quinze ans, cette stratégie permettrait de produire du sang de phénotype rare à partir de cellules souches de sang de cordon sans être limité par le statut initial du donneur. Une utilisation à visée diagnostique peut être envisagée plus tôt, d’ici à quelques années, où un petit échantillon de sang produit pourrait servir de réactif pour faire le groupage des dons. Renforcé et plus performant, le test immunologique permettra de mieux détecter les anticorps, en particulier chez les sujets polytransfusés », explique au « Quotidien » le Pr Philippe de Micci, directeur de recherche de l’EFS à Marseille.
Culture in vitro de cellules souches.
« Une autre équipe, également marseillaise, avait réussi il y a deux ans à produire du sang de groupe O à partir de groupe A et B. Il s’agissait d’éliminer les antigènes de surface grâce une méthode enzymatique. Le travail était remarquable mais présentait la faiblesse de ne pas permettre une expansion du volume. Pour une unité de globules rouges de groupe A, était produite une unité de groupe O. Ici, il est non seulement question de modifier le groupe sanguin, et pas que ABO puisqu’il existe une trentaine de groupes, mais également de produire de nouveaux globules rouges », rapporte de plus le Pr de Micci. Il serait en effet possible d’obtenir environ un million de ces cellules différenciées à partir d’une seule cellule souche hématopoïétique.
À l’aide du modèle Kidd.
Afin de modifier l’expression du groupe sanguin à la surface des globules rouges, l’équipe des quatre chercheurs marseillais, Claude Bagnis, Sylvie Chapel, Jacques Chiaroni et Pascal Bailly, s’est servie de la méthode du transfert de gènes au sein de cellules souches avant leur
différenciation hématopoïétique. « Nous avons utilisé le modèle particulier du groupe Kidd, pour lequel plus de 99,9 % de la population est positive. Il est néanmoins tout aussi important que le groupe ABO puisqu’une incompatibilité transfusionnelle peut donner des réactions hémolytiques graves. Après avoir mis en culture des cellules souches sanguines, nous avons introduit un vecteur viral contenant des gènes inhibiteurs d’expression de la molécule Kidd », explique le Dr Claude Bagnis, premier des quatre signataires de l’étude. « Mais il est possible de réaliser l’expérience avec des gènes de surexpression, comme ce que nous avions fait antérieurement en imposant le Kidd B par rapport au Kidd A. »
Les antigènes du groupe Kidd sont de nature protéique, mais d’autres sont de nature glucidique, comme le groupe ABO. « Actuellement, nous évaluons cette technique pour des antigènes d’origine glucidique. Nous ne savons pas si cette technique est valide pour cette voie métabolique. Contrairement aux antigènes protéiques inhibés ? une fois pour toutes ?, il n’est pas exclu que d’autres voies enzymatiques de glycosylation puissent prendre le relais », explique le chercheur. Cette étude illustre la qualité de la production scientifique de l’EFS, qui emploie 250 scientifiques pour sa mission de recherche définie autour de cinq axes prioritaires : sociologie du don et du non don, composés du sang, agents transmissibles par transfusion, immunologie de la transplantation (système HLA) et thérapies tissulaires, cellulaires et géniques.
?De gauche à droite, trois des quatre chercheurs : Sylvie Chapel, Pascal Bailly et Claude Bagnis
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