Il y a clairement en France un besoin urgent de plus de prévention pour réduire les besoins de soins, mais cette mesure reste le parent pauvre de la santé, car considérée comme le fruit d’une démarche individuelle. Or il existe une inégalité face à cette préoccupation. Elle n’est ni naturelle, ni évidente, ni simple quand les fins de mois sont difficiles. « À cause de leurs problèmes financiers, les personnes souffrant de pathologies chroniques ont tendance à reléguer au second plan les mesures de prévention. C’est tout l’enjeu des débats et des échanges de ce jour, annonce le Dr Jean-Michel Lecerf, de l’Institut Pasteur de Lille : trouver des pistes pour favoriser l’accès à une prévention active et à l’éducation à la santé pour tous, malgré une situation de plus en plus précaire pour nombre de Français. »
Preuve du poids de la crise sur les dépenses de santé et le mode de vie, 63 % des personnes interrogées lors d’un sondage IFOP/Fondation Pileje, avouent qu’elles ont dû resserrer leur budget nourriture, et près de la moitié ont dû réduire leurs dépenses en matière d’activité physique (48 %) et de santé (45 %). Ce sont surtout les moins de 35 ans et les catégories de faibles revenus qui se trouvent systématiquement surreprésentés.
Or l’activité physique, la nutrition et la gestion du stress sont reconnues comme des déterminants majeurs dans la prise en charge complémentaire des pathologies de longue durée et de leurs facteurs de risque. Les Français sont unanimement convaincus de l’importance de ces bonnes pratiques, ils estiment qu’elles jouent un rôle important pour avoir une bonne qualité de vie (95 %), pour améliorer sa santé même quand on est malade (92 %), ou encore pour éviter de tomber malade (91 %). « Néanmoins la réalisation de ces bonnes pratiques s’avère à leurs yeux conditionnée par l’argent, note Damien Philippot, responsable de l’étude IFOP. Pour eux, se pose le défi de les suivre alors qu’elles requièrent des moyens économiques auxquels la protection sociale semble faire défaut. »
Trop pour guérir, pas assez pour prévenir
Dans le même temps, 71 % des Français estiment être bien remboursés de leurs frais de santé en tenant compte aussi bien des remboursements de la Sécurité sociale que de ceux de leur mutuelle. Cependant, une part non négligeable de la population (29 %), notamment les catégories de revenus modestes, s’inscrit en rupture avec le mythe d’un système social français très protecteur. Pour améliorer la prise en charge financière de la prévention et l’allocation des ressources, 60 % des personnes interrogées jugent plutôt efficace le remboursement des activités physiques lorsqu’elles sont prescrites par un médecin. Dans une moindre mesure mais toujours importante, 45 % des interviewés estiment que les mutuelles devraient rembourser davantage certaines activités liées à la prévention, comme le coaching sportif ou nutritionnel, quitte à augmenter un peu leurs tarifs.
Prévenir vaut mieux que guérir a-t-on coutume de dire ; dans un contexte de crise particulièrement préjudiciable aux dépenses élémentaires de santé, les Français adoptent une position très militante. Ils considèrent que les pouvoirs publics dépensent trop pour guérir les maladies et pas assez pour les prévenir (70 %). Ils estiment (73 %) que la prise en charge des frais de santé pour les personnes atteintes de maladies qui auraient pu être évitées par la prévention et l’éducation coûterait plus cher à la collectivité que la prise en charge de ces domaines pour la population tout entière.
Face à la carence du système français en matière de prévention et pour débloquer un budget, une majorité (59 %) voit un levier dans la diminution des remboursements pour les personnes atteintes de maladies chroniques qui ne suivent pas les programmes de prévention qui leur sont proposés.
« Il n’est pas question de suivre cette dictature du comportement et de prendre des mesures coercitives, rétorque le Dr Jean-Michel Lecerf. Au contraire, il faut tout faire pour aider les plus faibles et les plus démunis et leur faciliter l’accès à l’éducation et à la prévention active. C’est une mission qui doit tous nous mobiliser, il faut baliser et sécuriser le terrain en encourageant les initiatives privées et publiques dans ce domaine. »
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Françoise Amouroux
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