DIX POUR CENT de la population est atteinte de migraine, un trouble neurologique invalidant, caractérisé par des crises de céphalées pulsatiles, unilatérales, souvent accompagnées d’autres symptômes (fatigue, nausée…).
La douleur migraineuse, qui résulterait d’une irritation chimique des méninges conduisant à la transmission de signaux nociceptifs de la dure-mère au cerveau, par la voie trigéminovasculaire, est typiquement exacerbée par l’exposition à la lumière. Pour comprendre comment la lumière aggrave la migraine, l’équipe du Pr Rami Burstein de la Harvard Medical School et du Beth Israël Deaconess Medical Centre (Boston) a suivi une approche fort originale, décrite dans « Nature Neurosciences ». Les chercheurs ont étudié 20 patients aveugles souffrant de migraines (15 femmes et 5 hommes), répartis en deux groupes distincts (n = 6 ; n = 14).
Dans un groupe, les 6 personnes étaient complètement aveugles et incapables de percevoir la lumière, par suite d’une énucléation chirurgicale des yeux (pour cancer rétinien ou glaucome) ou de lésion du nerf optique. Ces patients souffraient aussi de sommeil irrégulier. Les chercheurs ont pu constater que leurs migraines ne sont pas aggravées par la lumière, ce qui indiquait que la photophobie de la migraine dépend de signaux transmis de la rétine au cerveau, via le nerf optique.
Dans le second groupe, les 14 personnes étaient légalement aveugles, du fait de maladies rétiniennes dégénératives avec perte massive des photorécepteurs cônes et bâtonnets, mais conservaient néanmoins une détection de la lumière (photoréception sans formation d’images). La plupart avaient un sommeil régulier. Chez ces patients aveugles, les migraines devenaient plus intenses en lumière ambiante par rapport à l’obscurité (avec une intensité cotée à 9 contre 6 dans l’obscurité, sur une échelle subjective de 0 a 10).
Les chercheurs en ont déduit que le mécanisme de la photophobie fait donc intervenir les cellules rétiniennes ganglionnaires intrinsèquement photosensibles (ipRGC) ; cette nouvelle classe de photorécepteurs récemment découverte (en 2006), photoactivée à la fois de façon extrinsèque par les cônes et bâtonnets et de façon intrinsèque par la mélanopsine, est responsable du réglage de l’horloge circadienne du corps (rythme jour/nuit) et du contrôle la sécrétion de la mélatonine et de la contraction des pupilles à la lumière.
En étudiant le rat avec des méthodes de traçage antérograde des voies neurales et d’enregistrement de chaque unité neurale, les chercheurs ont identifié, dans une petite région du thalamus postérieur, des neurones qui répondent à la stimulation de la dure-mère, et dont l’activité est modulée par la lumière.
Les corps et les dendrites de ces neurones thalamiques sensibles à la dure-mère sont apposés aux axones provenant des cellules rétiniennes ganglionnaires (ipRGC pour 80 %). Et les axones de ces neurones thalamiques sensibles à la dure-mère se projettent abondamment sur les couches 1 à
5 des aires somatosensorielles, visuelles et associatives du cortex. C’est la première étude qui localise les aires corticales terminales de la voie trigéminovasculaire.
Les chercheurs montrent que la lumière déclenche un flux de signaux électriques qui converge sur les neurones transmettant les signaux migraineux au cortex, et augmente leur activité électrique en moins d’une seconde. Lorsque la lumière est éteinte, les neurones continuent de transmettre les signaux migraineux accrus pendant de nombreuses minutes. Ce qui concorde avec l’expérience des migraineux : une exacerbation de la migraine dès l’exposition à la lumière, et une amélioration seulement 10 à 20 minutes après un retour dans le noir.
« Nous pensons que la photorégulation de la migraine est exercée par une voie rétinienne ne formant pas d’images, qui module l’activité de neurones thalamocorticaux sensibles à la dure-mère », concluent les chercheurs. « Nous montrons que l’exacerbation de la migraine par la lumière est médiée par une voie cérébrale précédemment inconnue ; elle transmet des signaux lumineux à partir d’un petit groupe de cellules rétiniennes exprimant le photorécepteur de la mélanopsine, vers des neurones du thalamus qui sont le siège d’une activité électrique durant la migraine et dont les axones se projettent sur le cortex », explique au « Quotidien » le Pr Rami Burstein (Beth Israël Deaconess Medical Center, Boston). « L’identification de cette voie unique pourrait conduire à une prévention thérapeutique de la photophobie durant la migraine », estime-t-il.
Pharmaco pratique
Accompagner la patiente souffrant d’endométriose
3 questions à…
Françoise Amouroux
Cas de comptoir
Les allergies aux pollens
Pharmaco pratique
Les traitements de la sclérose en plaques