En France, 93 % des femmes reçoivent au moins un médicament au cours de leur grossesse et le nombre moyen de médicaments qui leur est prescrit est de 10. Des chiffres, dévoilés en octobre 2017 par l’Agence nationale de sécurité des médicaments et des produits de santé (ANSM), très élevés au regard des risques encourus et des pratiques dans le reste du monde.
Marine Martin, mère de deux enfants touchés par sa prise de Dépakine au cours de ses grossesses, est la présidente fondatrice de l’association de défense des victimes du valproate APESAC*. Son souhait le plus fort ? Faire passer le message aux femmes que « la prise d’un médicament n’est jamais anodin, surtout pendant la grossesse ». Marine Martin se souvient parfaitement d'avoir entendu parler de risques de malformation chez les enfants dont la mère a été exposée aux pesticides, mais elle n’avait jamais été informée de risques médicamenteux. Son fils aîné est né avec une malformation urogénitale, mais c’est lorsqu’il a développé des troubles autistiques qu’elle s’est posé davantage de questions. Cherchant sur Internet, elle découvre le site du Centre de référence des agents tératogènes (CRAT), et tombe des nues.
« C’était en 2009, la Dépakine était classée comme le médicament le plus dangereux pendant la grossesse après le Roaccutane. Passé la période de choc, j’ai pensé que tous les jours des enfants continuaient à naître sous Dépakine sans que les femmes ne soient informées. Si je ne faisais rien, c’était de la non-assistance à personne en danger. » C’est ainsi que l’APESAC est née, en 2011. De découvertes en rencontres, Marine Martin est amenée à travailler en étroite collaboration avec l’ANSM sur les pictogrammes grossesse, à témoigner devant l’Agence européenne du médicament (EMA) et à lutter pour informer toutes les femmes en âge de procréer. « Ce qu’on a réussi à faire pour la Dépakine, il faut aujourd’hui le faire pour tous les antiépileptiques car ils sont tous tératogènes. Et cette information n’est pas donnée à la patiente. Je me bats avec la Haute Autorité de santé (HAS) pour qu’elle édite un guide de bonnes pratiques. Il y a urgence ! »
Travail en équipe
Selon le directeur général de l’ANSM Dominique Martin, « au moins 60 % des médicaments » présentent un risque tératogène ou fœtotoxique. C’est pourquoi les autorités sanitaires répètent à l’envi que, « de manière générale, l’utilisation de médicaments, y compris ceux vendus sans ordonnance, doit être évitée au cours de la grossesse ». Une problématique à laquelle sont confrontés les médecins généralistes dans leur pratique quotidienne. C’est le cas du Dr Mady Denantes, qui exerce dans une maison de santé pluridisciplinaire (MSP) à Paris et insiste sur le décalage entre les données de la science et l’usage. « Soigner la mère sans mettre en danger l’enfant n’est pas simple », souligne-t-elle. Le premier message qu’elle délivre à une femme enceinte ou ayant un projet de grossesse est « Attention aux médicaments », puis elle lui conseille de consulter le site du CRAT au moindre doute. Un outil qu’elle utilise volontiers elle-même, en sus des recommandations de la Haute Autorité de santé (HAS). « Pour les femmes ayant une pathologie chronique, il est essentiel de se mettre en relation avec le confrère spécialiste qui la suit », ajoute Mady Denantes. La généraliste prône le travail en équipe réunissant tous les soignants de premier recours, notamment des pharmaciens, « dont il suffit de pousser la porte » pour accéder à un professionnel de santé.
Céline Roussel, pharmacienne et responsable des dossiers « femmes enceintes et médicaments » de « Prescrire », confirme le rôle du pharmacien d’officine, non seulement lors de la délivrance d’une ordonnance, mais aussi lors d’une demande d’automédication pour des troubles courants. « Il a un message de prévention à transmettre, notamment sur les AINS comme l’ibuprofène, très largement utilisé, mais aussi pour tous les produits qu’on peut trouver à l’officine comme des compléments alimentaires, des huiles essentielles, etc. »
Christine Demase-Michel, maître de conférences et praticien hospitalier en pharmacologie médicale à la faculté de médecine de l’université Paul-Sabatier, à Toulouse, appuie sa consœur : « Contrairement à ce que les patientes peuvent penser, ce n’est pas parce que des produits sont en vente libre qu’ils sont anodins, d’où le rôle clé du pharmacien. » Pour Mady Denantes, le professionnel de santé, quel qu’il soit, « doit gérer l’incertitude avec la patiente ».
* Association des parents d'enfants souffrant du syndrome de l'anticonvulsivant.
D’après une conférence-débat de la revue « Prescrire »
Pharmaco pratique
Accompagner la patiente souffrant d’endométriose
3 questions à…
Françoise Amouroux
Cas de comptoir
Les allergies aux pollens
Pharmaco pratique
Les traitements de la sclérose en plaques