SOUS SURVEILLANCE depuis de nombreuses années, la pseudoéphédrine fait encore parler d’elle. Amphétamine, produit dopant, coupe-faim, la molécule est connue pour ses travers, mais aussi pour ses vertus décongestionnantes. D’où son utilisation dans les médicaments contre le rhume. On la trouve aussi bien dans les boîtes d’Actifed (Johnson & Johnson), Dolirhume (Sanofi), Rhinadvil (Pfizer) ou Sudafed (GSK). Or, aujourd’hui, son indication dans ce domaine est également pointée du doigt.
L’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) n’a jamais cessé sa veille des vasoconstricteurs. En décembre 2011, l’agence faisait déjà le point sur les événements survenus sur une année (15 cas graves d’effets indésirables cardiovasculaires ou neurologiques, dont 25 % découlent du non-respect de la posologie) et insistait sur les recommandations d’usage. Elle a également demandé une réactualisation de l’enquête française. Une mission confiée au centre régional de pharmacovigilance (CRPV) de Toulouse, dont les conclusions, parues dans le bulletin d’information de pharmacologie « Bip31 », en avril dernier, sous la plume du Dr Emmanuelle Bondon-Guitton, ont affolé patients et professionnels de santé. Le CRPV remarque que les effets indésirables cardiovasculaires (angor, infarctus du myocarde, poussées hypertensives…) et neurologiques (convulsions, accidents vasculaires cérébraux, etc.) sont « rares », voire « très rares », mais « graves ». De plus, « les cas de mésusage persistent » et pourraient être amplifiés par la publicité grand public autorisée pour les médicaments sans ordonnance qui jouissent ainsi d’une certaine notoriété. Le « Bip31 » rappelle par ailleurs que la commission nationale de pharmacovigilance avait, dès 2008, jugé que les effets indésirables mentionnés, même très rares, sont « peu acceptables du fait de l’aspect bénin de la pathologie traitée ». D’autant que ces médicaments ne permettent pas de guérir un rhume, ni même d’en écourter la durée, mais diminuent la congestion nasale. Ce qui peut être obtenu par l’utilisation de sérum physiologique, comme le préconise le Dr Bondon-Guitton, en attendant que le bénéfice-risque de ces médicaments soit réévalué.
Le relistage n’est pas la solution.
L’ANSM a pris acte du rapport du CRPV de Toulouse, qui a donné lieu à un avis de la commission de pharmacovigilance, le 20 novembre. Sa préconisation : le relistage des produits concernés. Mais l’Agence ne semble pas suivre ce chemin. « L’ANSM ne se dirige pas vers un relistage généralisé, d’autres solutions sont à l’étude. La commission de pharmacovigilance se focalise uniquement sur le risque, tandis que la commission d’autorisation de mise sur le marché est tournée vers le bénéfice. Actuellement, des allers-retours ont lieu entre les deux commissions avant la prise de décision finale. À l’avenir, dans le cadre de la réorganisation de l’Agence, de nouvelles commissions vont voir le jour, notamment pour qu’une seule commission traite à la fois du bénéfice et du risque des produits », explique un porte-parole de l’ANSM. La pseudoéphédrine échapperait donc au sort réservé, il y a quelques années, à la phénylpropanolamine (ou noréphédrine), éliminée de l’arsenal thérapeutique américain en 2000. Celle-ci avait fait l’objet de recommandations sévères de l’Agence du médicament française dès 2001, puis elle avait été interdite dans son indication anorexigène et a finalement été relistée. Bien qu’aucune interdiction dans son indication comme décongestionnant ne soit intervenue, il n’existe plus de spécialité en France qui utilise cette molécule, certaines ayant justement revu leur formulation en faveur de la pseudoéphédrine…
Une bonne nouvelle pour l’Association française de l’industrie pharmaceutique pour une automédication responsable (AFIPA), qui affirme que le relistage n’est pas la solution. Au contraire, pour ces vasoconstricteurs, il faut, selon elle, « conforter leur accessibilité sans ordonnance en pharmacie ». Les remarques de l’association sont nombreuses. D’abord, les effets indésirables évoqués sont particulièrement rares, puisqu’ils sont de l’ordre de « 0,70 pour un million de traitements ». Ensuite, les vasoconstricteurs « améliorent le confort des personnes enrhumées » et les rhinites sont « des pathologies facilement identifiables par les patients et les pharmaciens » qui ne nécessitent pas un rendez-vous avec le médecin traitant.
Minimisation des risques.
Pour autant, ils ne sont pas accessibles en libre accès et le pharmacien « joue un important rôle de conseil ». Pour l’AFIPA, relister ces vasoconstricteurs serait « nier sa capacité à jouer pleinement son rôle de professionnel de santé », alors même que le rapport du CRPV de Toulouse souligne que les effets indésirables interviennent à la fois sur des patients qui utilisent une spécialité prescrite par leur médecin et sur ceux qui ont bénéficié d’une dispensation officinale sans ordonnance. « La prescription par le médecin n’est pas une barrière absolue contre d’éventuels effets indésirables », mais elle peut constituer un accès plus difficile au traitement. Elle peut aussi entraîner un coût supplémentaire pour la Sécurité sociale. « En considèrant un taux de report de 15 % des demandes auprès du pharmacien vers le médecin, le coût pour la collectivité est évalué à 27 814 500 euros par an. » L’AFIPA souligne aussi que le listage de ces vasoconstricteurs « n’a pas été jugé nécessaire en Belgique, Italie, Irlande, Portugal, Allemagne, Royaume-Uni, ou encore États-Unis et Canada ».
Plutôt que le listage, l’AFIPA propose de terminer la mise en œuvre des mesures de bon usage décidées en 2008 et qui n’a commencé qu’en 2011. L’association suggère de créer un comité réunissant ANSM, AFIPA, professionnels de santé, Ordres compétents et représentants de patients pour valider un plan de minimisation des risques, et effectuer un suivi des actions mises en place et des effets indésirables. Ce plan de minimisation des risques passerait par le renforcement du rôle des professionnels de santé et de l’information aux patients. Reste à savoir quelle sera la décision finale de Dominique Maraninchi, le directeur général de l’ANSM.
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