LE CANNABIS est l’invité périodique des médias. Normal : il s’illustre comme l’un des thèmes polémiques récurrents entre politiciens, que l’on a pu hélas parfois voir coachés par des experts dont il n’échappait à personne qu’ils soient avant tout inspirés par la volonté de « faire science » (1). Certains donc sont « pour » sa dépénalisation ; d’autres sont dès lors « contre ». Bien sûr. Et pourquoi pas vice-versa si le besoin s’en fait sentir ?
Mais il y a les faits. Stéphane Gatignon, Daniel Vaillant, Dominique de Villepin - d’autres aussi - enfourchent donc aujourd’hui quelques chevaux de retour : celui de la légalisation contrôlée de toutes les drogues, celui de la dépénalisation de l’usage du seul cannabis ou celui d’une quelconque autre déclinaison intermédiaire du contrôle sociétal des drogues. Ces divers modèles ont déjà fait florès : s’en souviendront les lecteurs, j’en fus, du psychiatre américain Thomas Szasz (2) ou, plus près de nous, les aficionados de l’avocat Francis Caballero (3). J’ignore si viendront des raisons qui dissuaderaient de céder avec une telle facilité au recours à ces béquilles pharmacologiques, mais j’avoue émarger au clan des pessimistes. Quoi qu’il en soit, il semble qu’une angoisse communément partagée invite l’ado des quartiers « sensibles » comme le quinqua stressé, à recourir à ces substances pour supporter un monde de repères ébranlés.
Le cannabis, comme les autres psychotropes, ceux qui sont illicites, ceux qui sont en partie contrôlés - mais juste ce qu’il faut pour ne pas pénaliser les recettes fiscales des gouvernements - et ceux qui font meilleure figure car commercialisés sous l’appellation noble de médicaments (4) ont la partie belle dans le monde des déracinements. Dans le monde du superlatif également, celui du toujours plus vite, du toujours plus fort, du toujours plus choquant. Le cannabis n’échappe pas à ce principe : plus concentré en principe psychoactif que dans les années quatre-vingt (c’est plus fort), consommé à la « douille » (c’est plus vite), participant à d’inventives associations psychoactives imaginées par de très jeunes apprentis-sorciers désabusés (c’est plus choquant) et toujours plus nombreux. Dans ce contexte, comment être surpris que cette drogue pose plus de problèmes sanitaires et sociaux qu’il y a trente ans ? Les travaux abondent suggérant sa probable implication dans la survenue de troubles d’allure psychotique, voire dans la genèse de certaines schizophrénies. Il est, à l’image de l’alcool, accidentogène sur la route. Il induit des troubles de la socialisation, un syndrome amotivationnel. Il est addictogène (5).
N’empêche. C’est justement à cause de cela qu’importe la mise en œuvre d’une logique suffisamment réaliste pour en contenir les effets. Ne pas être les complices d’une société sous influence : celle de molécules asservissant le cerveau spécifiquement conçues et à cette fin, celle de trafiquants toujours plus organisés et dont l’activité criminelle gangrène jusqu’à l’équilibre économique de nombreux pays, celle d’une politique qui, au terme de quarante années, n’a réussi qu’à prouver à l’échelle de la planète son incapacité à résoudre le problème humain et économique des drogues. La prohibition a fait son temps désormais. Elle aura eu néanmoins son intérêt : avoir été tentée et avoir pu démontrer ainsi son inefficacité à ceux auxquels l’exemple de la Prohibition sur l’alcool dans l’Amérique des années trente n’avait pas suffit. L’heure, il me semble, est maintenant venue de s’éveiller au pragmatisme ! De s’ouvrir à un regard nouveau sur l’usage des drogues et leur place dans la société misant sur la prévention des risques réels pour espérer conserver le contrôle de l’inévitable, celui d’une légalisation contrôlée des drogues, dont la production comme la cession seraient placées sous contrôle étatique… Bref, de quoi couper l’herbe ( !) sous le pied des trafiquants.
2) Szasz Th (1992), Our right to drugs : the case for a free market, Praeger Publishers (traduction française Éditions du Lézard, 1994).
3) Caballero F., Bisiou Y. (2000), Droit de la drogue, Dalloz, 827 pages.
4) Voir par ex. : « Rapport sur le bon usage des médicaments psychotropes » (2006), Office parlementaire d’évaluation des politiques de santé, 500 pages.
5) Voir entre autres nombreuses synthèses : Richard D. (2009), Le cannabis et sa consommation, Armand Colin, 128 pages.
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