Le premier article s’intéressant à la peau en relation avec le Covid-19 date du 13 mars 2020 (« Dermatol Ther 2020 »). Un groupe d’experts s’intéresse alors à la protection de la peau et des muqueuses en tant que barrières, chez les personnels soignants qui combattent la maladie du coronavirus 2019.
Le 18 mars, dans le « J Am Acad Dermatol 2020 », est publié le premier article sur les atteintes cutanées des soignants, en relation non pas avec la maladie Covid-19, mais avec les protections. Puis ce fut l’interrogation de dermatologues réalisant les examens dermoscopiques, car le contact du dermatoscope avec le patient peut être la source potentielle d’infections nosocomiales. La présence du coronavirus sur les poignées de portes, sur les téléphones mobiles, et sur toute autre surface indique que celui-ci peut se trouver sur un appareil d’examens dermatologiques (« J Eur Acad Dermatol Venereol 2020 », 29 mars). Au même moment, l’European task force on atopic dermatitis (« J Eur Acad Dermatol Venereol 2020 », 29 mars) s’interroge sur les risques éventuels des traitements administrés à des malades souffrant de dermatite atopique sévère.
Dermatoses sévères et Covid-19
Les malades dermatologiques pour des affections cutanées sévères sont souvent traités au moyen de médicaments immunomodulateurs et d’agents biologiques, ce qui les rend vulnérables à l’égard de ce virus. Un consensus des dermatologues australiens et néo-zélandais, à l’évidence très raisonnable, indique que l’on doit examiner le rapport bénéfice-risque à maintenir de tels traitements, et préconise de s’abstenir des médicaments immunomodulateurs et de réduire jusqu’au sevrage la corticothérapie générale, dans les cas seulement d’une infection suspectée où confirmée. Dans le cas contraire, les traitements doivent être maintenus en préconisant les mesures de confinement (« Australas J Dermatol, 2020 », Apr 7).
Alerte des dermatologues français
L’infection à SARS-CoV-2 est loin d’avoir révélé tous ses mystères. Au fur et à mesure que le nombre de cas de Covid-19 augmente, de nouveaux symptômes plutôt atypiques sont identifiés. Après la perte de goût et d’odorat, les troubles digestifs ou encore la conjonctivite, l’urticaire et les vascularites pourraient également faire partie du tableau clinique.
Des malades, des pharmaciens, des dermatologues, ont en effet observé des manifestations dermatologiques chez des malades suspects de Covid-19. Près de 400 dermatologues, relayés par le syndicat national de la profession, adressent le 6 avril, un communiqué pour informer la population et le corps médical sur ce qu'ils considèrent comme des « manifestations cutanées » de la maladie Covid-19.
Les atteintes dermatologiques sont décrites sous forme d'acrosyndromes (aspect de pseudo-engelures des extrémités), et aussi d’apparition subite de rougeurs persistantes, parfois douloureuses, et des lésions d'urticaire passagère.
Compte tenu des difficultés matérielles à poser un diagnostic précoce, compte tenu des recommandations gouvernementales qui préconisent en cas de suspicion d’infection de ne pas sortir de son domicile sauf en cas de détresse pouvant mettre la vie en danger, il y a peu de chances que ces signes dermatologiques invitent, à ce jour, à des mobilisations pour des diagnostics.
Urticaire et pseudo-engelures
Ces symptômes dermatologiques ne sont, bien sûr, pas spécifiques de ce virus ; ils sont bien connus dans de nombreuses maladies virales. L’urticaire est un symptôme associé à des viroses, certains se souviendront du signe de Caroli dans l’hépatite virale B. Les pseudo-engelures peuvent être considérées comme des vascularites qui sont des réactions immunopathologiques en relation avec des agents microbiens tels que les virus et bactéries ou les parasites.
La démarche du dermatologue devant de tels symptômes doit être analytique et elle ne doit pas conclure à une hypothèse parmi tant d’autres du seul fait d’un contexte épidémiologique particulier. La démarche diagnostique devant une urticaire ne doit pas être réduite à sa plus simple expression, mais au contraire doit chercher des symptômes au sein d’autres organes ou systèmes fonctionnels pour ensuite les réunir et poser un diagnostic étiologique. Il ne faudrait pas penser que du seul fait de l’apparition d’une urticaire, même chez un malade prouvé atteint par le virus, qu’il s’agit là d’une manifestation propre à la virose. En effet, et cela est connu dans d’autres maladies infectieuses, les conséquences d’immunodéficience induite par le virus peuvent conduire à activer des maladies sous-jacentes quiescentes dont les manifestations seront alors une vascularite ou une urticaire.
C’est dire toute l’importance de l’analyse de clinicien entre les mains du dermatologue qui pourra poser le diagnostic sémiologique sans le moindre doute de par ses connaissances en dermatologie, et devra par son expertise de médecin vérifier que la pseudo-engelure ne résulte pas du développement d’une maladie dysimmunitaire en sommeil, réactivée par la maladie virale par exemple (Viruses 2019, Viruses and Autoimmunity : A Review on the Potential Interaction and Molecular Mechanisms).
En effet, ce qui est vrai pour le CMV, le Coxsackie, l’Epstein Barr virus, pourrait l’être pour le Covid-19.
La pseudo-engelure connue en anglais sous le terme de pernio ou childblain correspond selon le traité de dermatologie du collège des enseignants (Elsevier) à un acrosyndrome trophique secondaire. Parmi les causes listées, il y a les maladies auto-immunes telles que le lupus, les causes iatrogènes, et aussi le syndrome des agglutinines froides, les cryoglobulinémies, qui sont des marqueurs immunologiques le plus souvent de pathologies infectieuses (Mycoplasma, hépatite B, hépatite C…).
Ainsi au cours d’une maladie virale telle que le Covid-19, il n’est pas surprenant d’observer l’apparition de ces pseudo-engelures par des mécanismes vraisemblablement de vascularite.
En l’absence d’autres causes, après avoir soigneusement interrogé et examiné le patient, dans ce contexte pandémique, l’évocation de la maladie virale Covid-19 doit être en effet effectuée. La Société française de dermatologie (SFD), quant à elle, signale que le service de dermatologie de l'hôpital Henri-Mondor à Créteil a récemment observé des signes cutanés à type de lésions maculopapuleuses érythémateuses atteignant exclusivement le visage chez trois patients (un enfant et deux adultes) ayant une infection très probable ou confirmée par Covid-19.
Ainsi, la SFD a indiqué dans un communiqué, paru le 8 avril, vouloir « confirmer ou non cette association ou lien éventuel, en documentant très précisément ces cas avec le recueil du contexte, de l'histoire de la maladie, des signes cliniques et de leur évolution, avec des photos (éventuellement des biopsies), et en explorant sur le plan virologique les cas atypiques cliniquement, avec notion de contage, signes associés, habituels ou inhabituels ».
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