C’EST UN MARCHÉ bien spécifique que celui de la nutrition clinique par voie orale, ce que pourrait démentir la nature des produits qui le composent puisqu’ils relèvent de la très large famille des suppléments nutritionnels. Mais la catégorie à laquelle ils appartiennent ne laisse pas de doute quant à leur finalité. Sous segment des aliments destinés à une alimentation particulière (ADAP), ils se définissent en tant qu’aliments diététiques destinés à des fins médicales spéciales (ADDFMS) et intéressent pour la plupart un profil de clientèle bien précis : patients ayant des besoins nutritionnels accrus du fait de leur maladie : pathologies consommatrices de nutriments, telles que les maladies chroniques, le cancer ; personnes qui ont des problèmes de dysphagie et ont du mal à avaler ; profils diabétiques ; patients qui sortent de l’hôpital, personnes âgées qui ne se nourrissent pas correctement. Plus ou moins riches en calories et en protéines, ces suppléments nutritionnels, dont une grande partie est dite HP HC pour « hyperprotéiné hypercalorique », sont définis par arrêté et soumis à remboursement selon la catégorie à laquelle ils appartiennent. « Le format 4 x 200 ml des produits HP HC est le plus prescrit et fait l’objet d’une prise en charge totale, indique Vincent Mayol, chef de groupe Nutrition clinique chez Lactalis Nutrition Santé (gamme Delical). C’est donc un segment majeur du rayon de la nutrition clinique. » Dominé à hauteur de 80 % par l’officine (pour le circuit ville), le marché a compté 20 000 tonnes de produits vendus en 2012, pour une valeur de 210 millions d’euros (montants remboursés). Il fait la part belle aux boissons qui mobilisent les trois quarts des ventes et se présentent sous différents aspects : boissons lactées aromatisées (avec lactose ou sans lactose), boissons lactées édulcorées, boissons fruitées, dans des formats variés, 4 x 200 ml et 4 x 300 ml. « Ce dernier conditionnement fait preuve d’une belle progression car il peut être utilisé comme dose journalière, une bouteille de 300 ml pouvant répondre aux besoins d’une journée entière. »
Alternatives.
Plus modeste, le segment des crèmes dessert représente tout de même près de 20 % des ventes et abrite des produits proches de ceux que l’on peut trouver dans l’alimentation classique. Ils se composent de références avec et sans lactose et de formules édulcorées. Aux côtés des boissons et des crèmes dessert, le marché abrite des alternatives sucrées – compotes, cakes, céréales en poudre, et salées – potages et plats mixés plus facilement utilisés en remplacement de l’alimentation principale là où la plupart des préparations se consomment plutôt en tant que collation dans le cadre d’un complément du régime alimentaire habituel. « Peu de médecins savent que ces alternatives existent alors qu’elles permettent de varier l’offre de façon intéressante », relève Vincent Mayol, en soulignant le potentiel des compotes, cakes et autres céréales qui ont l’avantage d’élargir le choix des palettes sucrées très axées sur les produits laitiers. D’autres préparations très spécifiques viennent compléter ce cœur de marché : eaux gélifiées et poudres épaississantes pour boissons gélifiées (non remboursées) vouées aux problèmes de dysphagie, purées de fruits et poudres de fibres destinées aux troubles du transit, produits spécialement formulés pour répondre aux besoins engendrés par des pathologies de type escarre ou chirurgie digestive…
Au total, c’est une offre très large que le pharmacien est amené à gérer, fonctionnant souvent en flux tendu, présentant au patient le catalogue des produits avant de les commander. « L’idéal est de pouvoir présenter un choix de références variées qui donne envie de consommer à la personne. » Présent en pharmacie par le biais de sa gamme Delical (boissons, crèmes dessert, alternatives sucrées et salées), Lactalis encourage l’observance en misant sur la qualité gustative de ses préparations et sur la variété des présentations et des saveurs. « Nous sommes engagés auprès du pharmacien que nous aidons dans le cadre de son conseil au patient. Clarification de la gamme à l’aide d’une implantation type qui tient compte de la forme du produit et de ses spécificités nutritionnelles (codes couleurs pour différencier les produits sans lactose, par exemple), formation sur la dénutrition, les moyens de reconnaître une personne qui a des problèmes de nutrition mais aussi outil pour calculer l’IMC (indice de masse corporelle) et brochures de sensibilisation pour la clientèle », énumère le chef de groupe. Un encadrement utile dont l’intérêt pourrait aller croissant si l’on en croit la progression non négligeable que connaît le marché depuis quelques années.
L’officine gagnante.
Depuis 2010, en effet, la restriction qui imposait qu’un lien existe entre dénutrition et pathologie pour voir les produits de nutrition clinique remboursés a été levée, ouvrant l’accès au marché, notamment à toutes les personnes âgées en situation de dénutrition. « L’assouplissement de la loi a élargi le remboursement aux dénutris non malades, précise Vincent Mayol, si bien que le marché global (circuit pharmaceutique, distributeurs de matériel médical) a connu des hausses à deux chiffres. » Des progressions de 15 % en valeur pour l’année 2010, 13 % en 2011 puis 7 % en 2012. Mais, au jeu des vases communicants, c’est l’officine qui sort gagnante puisqu’elle a enregistré l’an passé une croissance de 13 % de son rayon. « Une grosse partie du marché était nourrie par la demande émanant des maisons de retraite et principalement adressée au circuit des distributeurs de matériel médical. Mais un arrêté de 2008 a instauré un forfait annuel de remboursement pour chaque personne âgée des maisons de retraite, limitant ainsi le montant des commandes faites au circuit concurrent de l’officine. Le niveau des remboursements pourrait, cela dit, encore évoluer à l’avenir sous l’impulsion du Comité économique des produits de santé actuellement en négociation avec les fabricants à ce sujet. »
Mais aucun changement n’est à redouter dans l’immédiat et les principales gammes qui composent le rayon de la nutrition clinique en pharmacie continuent de s’élargir. En témoigne le complément nutritionnel oral hyperprotéiné hypercalorique Renutryl Booster (Nestlé Clinical Nutrition) qui a ajouté à la palette de ses saveurs (vanille, fraise, caramel, café), une nouvelle saveur salée, crème carotte. Une seconde gamme, Clinutren, vient compléter l’offre du fabricant. Forte de plus de 50 références, elle propose une grande variété de textures et saveurs – sucré/salé, lacté/fruité, liquide/texturé – élaborées pour faire face aux différentes situations de dénutrition, mais également aux besoins spécifiques engendrés par les difficultés de cicatrisation, l’hypercatabolisme, l’oncologie, les troubles du métabolisme glucidique…
Chez Fresenius Kabi, on trouve la gamme Fresubin qui abrite de nombreuses références (sans gluten et sans lactose pour la plupart) de boissons lactées ou fruitées, crèmes dessert, potages, plats mixés, céréales répondant aux différents cas de dénutrition protéino-énergétique, mais aussi aux besoins des profils pathologiques particuliers, troubles de la déglutition, troubles du métabolisme glucidique, escarres, déshydratation… Autre acteur majeur du marché, Nutricia Nutrition Clinique, qui propose les gammes Fortimel et Cubitan (traitement nutritionnel en cas de dénutrition associée à des escarres).
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