VOICI TRENTE ANS qu’une telle anomalie n’avait été constatée dans le monde des mammifères. Des souris naines africaines, Mus minutoides, la portent. Une équipe de chercheurs, pilotée par Frédéric Veyrunes (CNRS, Montpellier), a découvert des populations de souris, dont les femelles sont porteuses des chromosomes X et Y. Cette aberration aurait dû conduire au moins à des stérilités et probablement à la disparition des lignées. Il n’en est rien. L’étude de ces rongeurs pourrait servir à mieux comprendre les interactions au cours de la mise en place du déterminisme génétique chez l’humain. En effet, M. minutoides, avec ses 4 à 6 g, est très proche phylogénétiquement de la souris domestique Mus musculus.
Dans leur article, les chercheurs du CNRS, associés à des biologistes de l’Institut de génomique fonctionnelle de Lyon et de l’IRD, avant d’expliquer ce « cas de déterminisme sexuel inattendu », jugent nécessaires de faire quelques rappels. Chez la grande majorité des mammifères, le déterminisme sexuel suit une règle simple : le caryotype XX fait la femelle, XY le mâle. C’est la présence sur le chromosome Y d’un gène unique Sry (Sex-determining Region of the Y chromosome) qui déclenche la masculinisation. Il se situe au sommet d’une cascade d’expressions géniques qui mène à l’apparition des testicules. Son absence fait que les gonades se transforment en ovaires.
Un réarrangement chromosomique.
Cette règle très stricte ne connaît jusqu’à présent que 7 exceptions, toutes parmi des rongeurs. Chez les Mus minutoides, l’équipe a constaté une très forte proportion de femelles XY, de 74 à 100 %, toutes fertiles.
Pour mieux comprendre cette situation, l’équipe a eu recours à des analyses de type moléculaire et cytogénétiques. Elles ont montré que la réversion de sexe ne semble pas la conséquence d’une mutation sur le gène Sry, mais d’un réarrangement chromosomique jusqu’alors inconnu sur le chromosome X. Chez ces rongeurs, il existe deux chromosomes X morphologiquement distincts, baptisés X et X*. Ce dernier est systématiquement mis en évidence chez les femelles XY, il est porteur d’une mutation entraînant la réversion du sexe. Il reste à comprendre pourquoi cette mutation se situe sur l’X et non pas sur l’Y.
En réalisant des approches de génomique comparative, la découverte réalisée chez cette souris naine pourrait ouvrir de nouvelles voies de recherche. Elles porteraient sur le déterminisme sexuel des mammifères, en général, et sur l’identification des gènes candidats impliqués dans la réversion du sexe.
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