LES CAPACITÉS chimio sensorielles (sensibilité olfactive et gustative) diminuent avec le vieillissement et cette diminution progressive est vraisemblablement de même nature que la baisse de la vue ou de l’audition. Sont en cause le ralentissement du turn-over des cellules sensorielles, l’assèchement du mucus olfactif et la diminution du flux salivaire. Globalement, les seuils de détection des goûts et surtout des odeurs sont plus élevés. Des tests réalisés avec plusieurs concentrations de sauce tomate et de boisson à l’orange montrent ainsi que les seniors tendent à préférer des concentrations sapides et/ou aromatiques plus élevées que les jeunes adultes. Les préférences pour des types d’aliments évoluent également : les seniors ont, en général, le « bec plus sucré » que les jeunes, sans que l’on ait jusqu’ici trouvé d’explication au phénomène.
Renforcer la flaveur ?
Pendant longtemps, on a pensé que le déclin sensoriel influait sur l’alimentation des seniors et expliquait en grande partie le manque d’appétit et la dénutrition. En fait, explique Claire Sulmont-Rossé (INRA Dijon), « il faut relativiser ce lien, ce n’est pas le principal facteur. Des chercheurs ont ainsi proposé à des seniors des aliments dont la flaveur avait été renforcée (par un ajout de glutamate dans de la purée de pommes de terre ou du steak haché, par exemple) de façon à compenser le déficit sensoriel lié à l’âge, mais ces essais n’ont guère été concluants ». Les chercheurs de l’unité mixte de recherche « flaveur, vision et comportement du consommateur » de l’INRA Dijon ont donc exploré d’autres pistes comme celle de la mémoire des aliments.
Quand nous mangeons, notre cerveau « stocke », mémorise les caractéristiques des aliments consommés, mais en vieillissant ? En fin de compte, les études ont montré que le processus était peu affecté par l’âge. En dépit du déclin fonctionnel des capacités chimio sensorielles, les nouvelles expériences alimentaires continuent d’être mémorisées et le système opère une « remise à jour » permanente de nos souvenirs alimentaires. Le fait de ne bien reconnaître qu’une partie des arômes d’un plat ne perturbe pas fondamentalement la reconnaissance globale de ce dernier. Bref, la diminution du seuil de sensibilité olfactive et gustative est une fausse excuse pour une alimentation monotone…
Compléments nutritionnels.
Il faut chercher ailleurs des explications à la perte d’appétit, essentiellement dans les changements du mode de vie, la solitude et la perte d’autonomie. « Ne plus pouvoir se déplacer pour faire ses courses ou la cuisine, par exemple, a très probablement un retentissement sur le plaisir de manger et sur le comportement alimentaire, pense Claire Sulmont-Rossé. Mais la plupart des travaux de recherche sur la dénutrition portent sur les 65-70 ans, encore autonomes et relativement actifs. L’étude que nous venons de commencer, ciblée sur la personne âgée et très âgée, devrait nous aider à mieux comprendre les facteurs de risque de dénutrition dans cette population. »
Cela dit, il ne faut certainement pas se désintéresser de la qualité des repas des seniors, en particulier dans les maisons de retraite et les hôpitaux où la prévalence de la dénutrition est forte (15 à 40 % en institution et environ 50 % à l’hôpital) et cause de morbi-mortalité importante.
Des modifications s’imposent dans la composition et le rythme des repas. Les mets énergétiques et riches en protéines sont, bien sûr, à privilégier, en enrichissant dans un premier temps l’alimentation avec des produits de base : poudre de lait, lait concentré entier, fromage râpé, crème fraîche, beurre fondu, pâtes, semoule… On peut aussi augmenter la fréquence des prises alimentaires. Enfin, les compléments nutritionnels oraux sont très utiles. Soixante-deux études d’intervention randomisées, réalisées sur un total de 10 000 personnes âgées, ont montré l’intérêt de ces mesures.
« Pulse protein feeding ».
Mais, pour que la nécessaire augmentation de la part de protéines soit vraiment efficace et prévienne le risque de sarcopénie, l’unité de nutrition humaine de l’INRA Clermont-Ferrand a démontré qu’il fallait les ingérer en une fois. Les chercheurs ont en effet constaté, il y a déjà dix ans, que l’ingestion de 80 % des apports protéiques journaliers au cours du repas de midi induisait - uniquement chez la personne âgée - une synthèse protéique musculaire plus forte qu’avec un apport étalé sur la journée. Ce concept de « pulse protein feeding » ayant réémergé récemment outre-Atlantique, il va peut-être finir par passer dans les pratiques…
D’autres études ont par ailleurs montré que, chez le senior, les protéines rapidement digestibles (petit lait) étaient préférables aux protéines « lentes » pour lutter contre la fonte des muscles car elles favorisent une meilleure stimulation de la synthèse protéique musculaire. La supplémentation en acides aminés, particulièrement impliqués dans l’anabolisme musculaire (leucine, citruline), semble également efficace, mais le recul n’est pas encore suffisant.
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