LES CONSÉQUENCES des interactions cinétiques sont importantes en cancérologie : elles peuvent expliquer la survenue d’effets iatrogènes sévères ou contribuer à réduire l’action anticancéreuse des ITK.
Prudence avec les antiacides.
L’acidité gastrique est indispensable à l’absorption des ITK, des bases faibles dont la biodisponibilité n’est pas très importante. La prise concomitante d’antiacides (topiques, IPP ou anti-H2) réduit de façon parfois significative la biodisponibilité de certains d’entre eux (dasatinib, erlotinib, géfitinib, lapatinib, pazopanib) et requiert une attention particulière. D’une façon générale, il faut éviter l’usage d’IPP en cas de prescription d’un ITK et séparer d’au moins 2 heures la prise d’un anti-H2 ou d’un antiacide topique et celle d’un ITK.
Prudence avec la digoxine.
Certains ITK (géfitinib, lapatinib, pazopanib) sont des inhibiteurs de la glycoprotéine-P et peuvent de ce fait augmenter l’exposition à des substrats de ce transporteur en cas d’association. Il en va ainsi pour la digoxine (le lapatinib augmente son aire sous la courbe d’environ 80 %) ou le paclitaxel (le pazopanib augmente l’exposition d’environ 26 %).
Prudence avec le pamplemousse.
L’imatinib et d’autres ITK sont métabolisés dans l’intestin par le CYP3A4 entérocytaire. Le pamplemousse inhibe ce cytochrome : l’administration concomitante de jus augmente l’exposition au sunitinib de 11 % et au nilotinib d’environ 30 %. En revanche, il ne semble pas y avoir interaction avec l’imatinib.
Des données rassurantes avec les AVK.
Bien que les ITK soient fortement liés aux protéines plasmatiques, ils ne donnent pas d’interactions significatives avec les antivitamines K - du moins au vu des travaux actuels -.
CYP3A4 : un impact important.
Les ITK sont métabolisés par le cytochrome P450 avec des conséquences cinétiques variables selon la molécule. Les inhibiteurs du CYP3A4 perturbent de façon importante la cinétique du dasatinib (lequel augmente inversement l’exposition à la simvastatine). L’exposition à l’erlotinib est réduite par les inducteurs enzymatiques (rifampicine, carbamazépine, etc.) alors qu’elle est augmentée par la ciprofloxacine (d’où nécessité d’adapter les doses d’anticancéreux si des réactions iatrogènes surviennent) ; l’erlotinib peut augmenter l’INR des patients sous AVK et l’exposition à la phénytoïne. Les inducteurs enzymatiques réduisent l’exposition à l’imatinib et la dose administrée doit parfois être augmentée de 50 % ; inversement, des réactions iatrogènes toxiques sont décrites lors de son association à un puissant inhibiteur du CYP3A4. La dose de lapatinib doit être augmentée, parfois d’un facteur 3, en cas d’association avec un inhibiteur du CYP3A4 (anticomitial notamment), au prix d’un risque hépatotoxique non négligeable. Les autres ITK ne donnent pas lieu à interactions encore bien documentées.
Peu d’interactions au niveau rénal.
Les ITK subissent un important métabolisme hépatique et sont éliminés dans les fèces. Peu d’interactions sont décrites au niveau rénal : on notera toutefois que l’imatinib peut perturber l’élimination du méthotrexate et que l’erlotinib peut induire l’accumulation de cisplatine néphrotoxique dans les cellules tubulaires.
Bien que moins répandues, elles méritent d’être prises en compte, ne serait-ce qu’en raison de l’indication des divers traitements et des conséquences d’une perte d’efficacité. Ainsi, l’imatinib peut augmenter la toxicité du méthotrexate (par rétention hydrique). Ce même produit peut, comme le sunitinib, avoir une action antagoniste de celle de la lévothyroxine (interaction avec les hormones thyroïdiennes au niveau hypophysaire). Plusieurs ITK (lapatinib, nilotinib, sunitinib, vandétanib) sont connus pour prolonger l’intervalle QT, probablement par action sur les canaux potassiques cardiaques : le risque de survenue de torsades de pointes n’est pas négligeable en cas d’association à d’autres médicaments prolongateurs du QT (fréquemment prescrits chez un patient atteint d’un cancer : antibiotiques, antifongiques azolés, dompéridone, etc.) ou inhibiteurs du métabolisme des ITK.
La prescription d’une thérapie ciblée par un ITK doit donc impérativement s’assortir d’un accompagnement personnalisé du patient et d’une vérification attentive de l’ordonnance.
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