« À notre connaissance, notre essai clinique démontre pour la première fois qu’il est possible d’induire, de façon non-autologue, une tolérance immunitaire à un antigène spécifique dans une maladie auto-immune », souligne le Dr Ciaran P. Kelly, professeur de médecine à la Harvard Medical School et directeur du centre cœliaque au Beth Israël Deaconess medical center de Boston. Les résultats de cette étude de faisabilité (phase 2) ont été présentés par le Dr Kelly, au congrès européen de gastroentérologie à Barcelone (1).
Le traitement est fondé sur l’utilisation de nanoparticules développées par le laboratoire du Pr Stephen Miller, à l’université Northwestern de Chicago. Baptisées CNP-101, elles contiennent un allergène, par exemple une gliadine, protéine constitutive du gluten, dans l’essai de phase 2 présenté ici. « En modifiant simplement la ou les protéines cibles encapsulées, la même nanoparticule biodégradable peut théoriquement être utilisée pour le traitement de n’importe quelle maladie auto-immune ou allergique », laisse entrevoir au « Quotidien » le Pr Stephen Miller.
Des protéines cibles encapsulées
Une fois injectées dans le sang des patients, les nanoparticules agissent comme un cheval de Troie : elles cachent en effet l’allergène sous une enveloppe que le système immunitaire perçoit comme inoffensive, en tout cas non étrangère. Ces nanoparticules sont alors phagocytées dans la rate et le foie par des macrophages. Bien qu’il s’agisse de cellules présentatrices d’antigènes, ces derniers n’activent alors pas les lymphocytes T réactifs, car ils considèrent que l’antigène appartient au « soi ». L’immunoréactivité est ainsi désactivée.
Cette nouvelle approche visant à restaurer l’immunotolérance pourrait révolutionner la prise en charge de la maladie cœliaque, une maladie auto-immune qui affecterait environ 1 % de la population dans les pays occidentaux et pour laquelle le seul traitement actuel se résume à éviter l’ingestion du gluten présent dans certaines céréales (blé, seigle, orge, avoine). En effet, chez ces patients, le gluten enclenche un processus immunitaire qui endommage la muqueuse digestive, entraînant alors une malabsorption des nutriments.
L’étude de phase 2 (randomisée en double aveugle) a inclus 28 patients présentant une maladie cœliaque bien contrôlée. Ces patients ont reçu deux injections intraveineuses de nanoparticules CNP-101 ou bien d’un placebo, à une semaine d’intervalle (J1 et J8). Une semaine après la seconde injection, un test de provocation au gluten a été pratiqué sur la base de 12 g/j pendant 3 jours puis 6 g/j pendant 11 jours. Une endoscopie haute avec biopsies duodénales était réalisée avant traitement et après provocation. Les patients traités par nanoparticules montrent une baisse de 90 % de la réponse immune inflammatoire, en comparaison aux patients non traités, telle qu’évaluée sur les prélèvements histologiques en D2. Ces nanoparticules ont été en mesure de prévenir l’activation immune induite par la provocation au gluten chez des adultes présentant une maladie cœliaque.
Cette approche prometteuse pourrait s’appliquer à d’autres maladies auto-immunes comme la sclérose en plaques et le diabète de type 1. « Nous avons également montré que nous pouvons encapsuler la myéline dans la nanoparticule afin d’induire une tolérance à cette substance dans des modèles de sclérose en plaques, ou encapsuler une protéine des cellules β du pancréas pour induire une tolérance dans des modèles de diabète de type 1 », précise le Pr Miller.
Au vu des bons résultats de cette phase 2, la compagnie pharmaceutique japonaise Takeda vient d’acheter à l’Américain Cour Pharmaceuticals le brevet pour développer et commercialiser mondialement la nanoparticule CNP-101 dans la maladie cœliaque. « Étant donné le brevet acquis par Takeda, Cour Pharmaceuticals se concentrera dorénavant sur les programmes cliniques concernant l’allergie aux arachides et la sclérose en plaques pour le court terme, puis élargira les objectifs avec le temps », laisse entrevoir John J. Puisis qui a co-fondé et dirige Cour pharmaceuticals.
(1) C. Kelly et al, Congres UEGW 2 019 à Barcelone.
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