« Dans notre étude, nous avons découvert que les prions sont présents dans les tissus cutanés des patients atteints de maladie de Creutzfeldt-Jakob sporadique (MCJs) et nous avons montré que ces prions cutanés sont infectieux, ce qui a été établi en injectant des échantillons cutanés de patients MCJs dans des modèles murins humanisés », explique au « Quotidien » le Dr Wen-Quan Zou, chercheur à l’université Case Western Reserve (Cleveland, OH, États-Unis) qui a dirigé l’étude publiée par un consortium international de chercheurs dans la revue « Science Translational Medicine ».
La MCJs, la plus fréquente des maladies à prions humaine, est une encéphalopathie spongiforme transmissible rapidement fatale, liée à l’accumulation dans le système nerveux central de prions infectieux - des formes mal repliées de la protéine prion qui s’auto-propagent. La MCJs peut être transmise par voie iatrogène (procédures médicales), notamment par greffes de cornée ou de dure-mère cadavérique contaminées par prions infectieux ou plus rarement par des instruments de neurochirurgie mal décontaminés (les prions résistent aux méthodes conventionnelles de décontamination).
L’équipe de Wen-Quan Zou a analysé des échantillons cutanés de 38 patients (21 MCJs, 2 variants de MCJ, et 15 témoins) par le biais d’un test de « conversion provoquée par tremblement en temps réel » (RT-QuIC), une nouvelle technique récemment développée par le Dr Byron Caughey et son équipe du NIH (Rocky Mountain Laboratories du NIH/NIAID, Montana). Ce test RT-QuIC, pouvant détecter la présence du prion infectieux de manière extrêmement sensible et spécifique, a permis de déceler des prions infectieux dans la peau de tous les patients affectés de MCJ, à des taux toutefois 1 000 à 100 000 fois inférieurs aux taux trouvés dans le cerveau.
Implications cliniques
« Ceci pourrait expliquer pourquoi certaines études épidémiologiques ont relevé un risque légèrement accru de la MCJ chez les personnes ayant subi une chirurgie, y compris une chirurgie n’impliquant pas le système nerveux central. Une seconde implication est que l’activité d’ensemencement des prions détectée dans les échantillons cutanés peut servir de base pour diagnostiquer la MCJ, sans avoir à effectuer des prélèvements du cerveau, du liquide céphalorachidien ou par brossage nasal », confie au « Quotidien » le Dr Caughey. « La biopsie cutanée est plus aisée et moins invasive que la biopsie cérébrale. Notre test cutané par RT-QuIC a montré une spécificité et une sensibilité de 100 % chez les patients MCJs examinés, ce qui fournit un fondement pour poursuivre le développement de ce test pour le diagnostic pre- et post-mortem de la MCJs », souligne le Dr Zou.
Instruments chirurgicaux
« Par ailleurs, ceci soulève des craintes sur la possibilité de transmission de la MCJs par des instruments chirurgicaux contaminés par des prions cutanés au cours d’interventions non neurochirurgicales, ou par des greffes de peau contaminées par des prions », ajoute-t-il. Des précautions supplémentaires pour les instruments chirurgicaux ? « Notre étude n’a pas apporté la preuve directe d’une transmission du prion par des instruments chirurgicaux chez l’animal ou l’homme, mais ceci devra être étudié », prévient le Dr Zou. Les prochains travaux de l’équipe porteront sur ces différentes implications. En attendant, estime le Dr Caughey, « ceci suggère qu’il pourrait être sage d’utiliser si possible des instruments chirurgicaux à usage unique, ou sinon de soumettre les instruments réutilisés à des procédés de décontamination adéquats pour les prions ».
« Il importe de souligner que nos résultats ne veulent absolument pas dire que la maladie de Creutzfeldt-Jakob pourrait être contagieuse par simple contact cutané. Et notre étude ne règle pas la question de savoir s’il existe un risque significatif de transmission de la MCJ par des interventions médicales impliquant la peau. Cependant, notre détection de prions dans la peau suggère que des études supplémentaires et la prise en compte de précautions pour réduire un tel risque sont justifiées », conclut le Dr Caughey.
Les greffes fécales pourraient-elles transmettre les maladies à prions ? À cette question du « Quotidien », le Dr Caughey n’a pas encore de réponse : « Il est prouvé que les prions peuvent être excrétés dans les selles de plusieurs espèces animales affectées d’une maladie à prion, et des données suggèrent que l’exposition orale aux selles infectieuses pourrait transmettre la maladie. Cependant, je ne connais aucune donnée indiquant que les greffes fécales proprement dites peuvent transmettre la maladie. Je ne sais pas si cette possibilité est déjà explorée, mais il me semble qu’elle mériterait de l’être. »
Science Translational Medicine, 22 novembre 2017, Orru et coll.
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