L’ESPÉRANCE DE VIE se situe aujourd’hui entre 80 et 85 ans dans les pays développés. Le nombre de centenaires ne cesse d’augmenter. Mais quels sont les secrets d’une vie plus longue, en bonne santé ? Quels sont les secrets des centenaires ? Ils constituent un modèle du « bien vieillir », puisque, chez eux, la survenue de handicaps est généralement repoussée après 95 ans.
Afin d’explorer la contribution génétique au « bien vieillir » et en partant de l’hypothèse selon laquelle les centenaires portent de nombreux variants génétiques qui influencent leur longévité exceptionnelle, une équipe de chercheurs dirigés par le Pr Paola Sebastiani et le Dr Thomas Perls (Boston) a conduit une étude d’association génomique de centenaires, la plus grande à ce jour.
Les chercheurs ont analysé l’ADN de 1 055 centenaires américains d’origine européenne (801 centenaires du New England Centenarian Study dans le groupe de découverte ; 254 de l’étude d’Elixir Pharmaceuticals dans le groupe de réplication). Ils l’ont comparé à celui de 1 267 témoins. Ils ont examiné quels variants génétiques SNP sont associés à la longévité exceptionnelle, en utilisant une nouvelle approche statistique bayésienne développée par l’équipe.
Classés en dix-neuf groupes.
Ils ont ainsi construit un modèle génétique, fondé sur 150 variants SNP (polymorphisme d’une seul nucléotide), susceptible de prédire une longévité exceptionnelle avec une exactitude de 77 % (dans le groupe de réplication).
En analysant plus profondément ces données, les chercheurs ont découvert que 90 % des centenaires peuvent être classés en 19 groupes se distinguant par des combinaisons différentes de génotypes SNP, ou « signatures génétiques » de longévité exceptionnelle.
Ces groupes sont caractérisés par un enrichissement variable de variants associés à la longévité (VAL). Ils sont associés à des différences dans la prévalence et l’âge de survenue des maladies liées à la vieillesse.
Par exemple, certains groupes sont associés à l’âge le plus tardif de survenue d’une démence, tandis que d’autres, caractérisés par un enrichissement élevé en VAL, sont associés à la survie la plus longue ; quatre groupes incluaient ainsi 46 % des supercentenaires (110 ans et plus).
Les chercheurs ont également cherché à savoir si l’absence des variants génétiques connus pour être associés à une maladie joue aussi un rôle important dans la longévité exceptionnelle. Mais le nombre de ces variants à risque ne diffère pas entre les centenaires et les témoins.
« Ces données préliminaires suggèrent que la longévité exceptionnelle pourrait résulter d’un enrichissement en variants associés à la longévité. Ils s’opposent à l’effet des
allèles à risque de maladie et contribuent à la compression de la morbidité et/ou du handicap vers la fin des vies très longues », notent les chercheurs.
Comprendre comment et pourquoi.
Si ces résultats sont confirmés, cela suggérerait qu’une prédiction du risque de maladies reposant uniquement sur les variants associés aux maladies, sans information concernant les autres variants qui pourraient atténuer ce risque, pourrait être inexacte et erronée. Des études supplémentaires sont nécessaires pour comprendre comment et pourquoi ces variants prédisposent collectivement à une longévité exceptionnelle.
« Le taux de 77 % d’exactitude des prédictions montre que les données génétiques peuvent effectivement prédire une longévité exceptionnelle sans aucune connaissance des autres facteurs de risque… Cette prédiction n’est pas parfaite, toutefois, et bien qu’elle puisse s’améliorer avec une meilleure connaissance des variations du génome humain, ses limitations confirment que les facteurs environnementaux, tels les modes de vie liés à l’alimentation, à l’exercice, au tabagisme, etc., contribuent aussi à la capacité des humains à vivre jusqu’à des âges extrêmes. »
« Ces résultats sont encore au niveau de la science fondamentale, explique au « Quotidien » le Pr Paola Sebastiani. Bien que les résultats indiquent des gènes spécifiques qui pourraient jouer un rôle dans de nombreuses maladies liées à l’âge, des recherches supplémentaires sont nécessaires pour traduire ces résultats en applications médicales. » L’équipe envisage d’ailleurs de poursuivre le séquençage et d’étendre ces résultats à d’autres groupes ethniques.
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