Parmi les impératifs pour mieux agir en matière de santé et rationaliser les dépenses, deux d’entre eux, complémentaires, doivent être soulignés en ce début de 2017.
En premier lieu, prendre mieux en compte la réalité dans toute sa complexité : celle des patients dont chacun a ses propres caractéristiques, comme celle de notre système de santé ou des traitements, toujours plus multiples. En second lieu développer la prévention alors que notre système de santé et d’assurance-maladie est, chacun le sait, essentiellement orienté vers le traitement des pathologies. Cela suppose notamment de mieux connaître les comportements pour pouvoir inciter chacun à modifier les siens et pour que les pouvoirs publics puissent agir plus efficacement.
Pour progresser vers ces deux objectifs, un élément-clé est de mobiliser des masses de données, pour que les politiques publiques soient mieux ancrées dans les réalités et orienter de façon plus pertinente les actions de prévention. Les technologies aujourd’hui disponibles permettent de recueillir et de traiter des volumes considérablement plus importants de données.
L’accès au « trésor des données de santé »
Pour les données portant plus particulièrement sur les soins et les remboursements, les systèmes gérés par la CNAMTS (SNIIRAM) et l’ATIH (PMSI) permettent de centraliser et de traiter de manière anonyme les centaines de millions de feuilles de soins électroniques et de résumés d’hospitalisation générés chaque année. Avec beaucoup d’acteurs de la santé, nous avons, à l’Institut des données de santé (IDS), mené sans relâche un combat pour améliorer la qualité et la disponibilité de ces données, tout en assurant l’indispensable protection de leur confidentialité et donc de la vie privée. Ce combat devra, en 2017, être repris pour surmonter les difficultés résultant de la loi de janvier 2016. Des progrès majeurs restent à obtenir pour que l’accès à ce « trésor des données de santé » ne soit plus un parcours d’obstacles pour la recherche et les acteurs de la santé. Il faudra œuvrer pour une modification de la loi.
Mais l’effort pour mobiliser les technologies des données devrait aussi être élargi, certes d’une autre manière, au domaine de la connaissance des comportements qui agissent en amont des soins sur la santé des patients et notamment leur consommation alimentaire. Pour agir plus efficacement, il faut là aussi disposer de plus de données.
Le Programme national nutrition santé lancé en 2001 n’a pas produit tous les effets attendus. Par exemple, un Français sur deux est concerné par l’excès de poids, l’obésité progresse, phénomène encore plus forts chez les personnes défavorisées. L’une des causes en est que les réalités économiques, sociales et comportementales ont été mal prises en compte. À l’enjeu sanitaire évident s’ajoute un enjeu financier majeur. À lui seul, le coût du surpoids est estimé à près de 20 milliards d’euros par an, soit de l’ordre de 10 % des dépenses de l’assurance-maladie.
Comportements alimentaires : enrichir les connaissances
C’est dans ce cadre que s’inscrit l’expérimentation de quatre systèmes d’étiquetage nutritionnel, conduite par le Fonds français pour l’alimentation et la santé dans le cadre fixé par les pouvoirs publics, entre le 26 septembre et le 4 décembre 2016 dans soixante magasins répartis dans quatre grandes régions. Plus vaste étude de consommation jamais menée en conditions réelles d’achat, elle a permis de recueillir des millions de données, en cours d’analyse par une équipe scientifique sous la direction de l’École d’économie de Toulouse, un leader français de l’économétrie. Le CREDOC, principal opérateur d’enquêtes de consommation en France, a réalisé des études qualitatives qui seront croisées avec ces données quantitatives. L’objectif est de fournir des données pour savoir si ces systèmes d’étiquetage ont un impact significatif sur les achats des consommateurs et d’identifier le plus efficace. Au-delà, ces données permettront d’enrichir les connaissances sur les comportements alimentaires, encore très lacunaires. Mieux les comprendre au regard de la diversité de la population est indispensable pour fonder une politique de prévention plus efficace et, de manière plus générale, une nouvelle politique de l’alimentation et de la nutrition.
Là aussi, les données, cette fois de consommation, doivent prendre une place plus centrale dans la conduite des politiques publiques. Cela suppose de mobiliser les disciplines les plus directement liées à la nutrition et à la santé publique mais aussi l’économie de la consommation, la sociologie, la psychologie des comportements, pour aller au-delà des études en laboratoires et des cohortes épidémiologiques, nécessaires mais insuffisantes. Il faut simultanément fédérer les entreprises alimentaires et de distribution qui, seules, détiennent les données qui reflètent la réalité des comportements alimentaires, dans leur extrême diversité. Ce qu’a réalisé de manière pionnière l’expérimentation des systèmes d’étiquetage nutritionnel.
S’appuyer sur une masse de données est indispensable aussi pour éclairer l’action au quotidien des professionnels de santé, en tirant de ces données des grilles d’analyse des comportements alimentaires qui les aideront à fonder leurs diagnostics et leurs conseils aux patients. Ces outils leur seront d’autant plus utiles que les consommateurs ont eux-mêmes de plus en plus accès à des applications numériques qui leur fournissent des informations mais dont l’utilisation continuera à nécessiter le conseil du praticien.
Les données, de beaux enjeux pour l’année qui vient.
Ancien président de l’Institut des données de santé (IDS), président du Fonds français pour l’alimentation et la santé, ancien président du Conseil national de l’alimentation.
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