UN DRAME A récemment mis en lumière le phénomène préoccupant de l’alcoolisation des jeunes poursuivant des études supérieures. Le 22 mars dernier, un étudiant en pharmacie de 25 ans est découvert sans vie au lendemain d’une soirée arrosée. L’autopsie évoque un syndrome de Mendelson, c’est-à-dire une asphyxie après régurgitation. C’est une malheureuse évidence, les étudiants en santé ne sont pas à l’abri du « binge drinking », ou comportement d’alcoolisation massive. Une minorité, près de 10 % d’entre eux, boivent plus de 5 verres d’alcool à l’occasion d’une fête (voir encadré). Pourquoi ces étudiants se mettent-ils dans de tels états, à s’en « retourner la tête » ? « Les jeunes aiment le risque. Et cette vie sans risques qu’on leur propose, c’est pour eux une vie sans saveur », explique Marie Choquet, psychologue et directrice de recherche à l’INSERM. L’alcoolisation massive sert aussi d’exutoire à de pesantes études. Peut-être également ces futurs médecins ou pharmaciens ont-ils le sentiment un peu faussé de bien connaître les limites de leur physiologie. Enfin, il y a l’effet de groupe, qui pousse chacun à aller encore plus loin et à se valoriser aux yeux des autres.
Des actions de prévention.
Selon Maxime Beltier, président de l’ANEPF (Association nationale des étudiants en pharmacie), ce comportement n’est pas l’apanage des étudiants : « L’alcoolisation ne débute pas en faculté. Elle remonte souvent aux années lycée, voire au collège. » En fait, le phénomène concerne surtout deux catégories de jeunes entre 18 et 25 ans. Les trois quarts d’entre eux savent se contenir lors d’une fête. « Mais près de 10 % des jeunes ressentent un malaise profond et vont vers l’ivresse pour l’ivresse. Parmi eux, 3 à 4 % deviendront alcooliques, estime le Dr Alain Rigaud, médecin addictologue et président de l’Association nationale de prévention en alcoologie et addictologie (ANPAA). Troisième catégorie, les 15 à 20 % de jeunes en ballottage, qui suivent le mouvement. » C’est cette frange de la population étudiante qui est particulièrement visée par les actions de prévention.
Chaque année, l’ANEPF met en place une campagne sur le thème de l’alcool au volant, en partenariat avec la Sécurité routière. « Les risques sont connus, mais il faut toujours maintenir la pression, en insistant sur les responsabilités pénales en cas d’accident », indique Maxime Beltier. La prise de conscience se fait également au niveau des responsables des facultés. « Nous sommes dans une obligation de moyens. Nous allons renforcer les enseignements sur l’ensemble des conduites addictives et organiser des campagnes de sensibilisation en lien avec les étudiants », affirme Dominique Porquet, président de la Conférence des doyens des facultés de pharmacie.
Alcoolisation à domicile.
Dans ce domaine, les grandes écoles ont un temps d’avance sur les universités. Ainsi, après le décès sous emprise de l’alcool d’un étudiant en 2005, l’école Centrale a élaboré une charte prenant appui sur les recommandations de l’OMS, qui fixe un seuil de 4 verres par étudiant au cours d’une fête. Les jeunes s’y plient de bonne grâce, se font tamponner la main lors des soirées. Le financement de ces événements a par ailleurs été revu, qui ne repose plus seulement sur la vente d’alcool. Et un nouveau pas sera franchi avec la loi HPST dont certaines mesures limitent l’accès aux boissons alcoolisées. Par exemple en mettant un terme à la pratique des opens bars (alcool à volonté après acquittement d’un droit d’entrée). « Il y aura certes une prise de conscience, mais est-ce que cela va vraiment changer les comportements ? », s’interroge cependant Maxime Beltier. Les étudiants boiront plus chez eux, ne pourront plus se permettre d’aller en soirée. » Ceci d’autant plus que l’alcoolisation en « petit comité », en chambrée ou au domicile, est déjà très pratiquée, échappant à toute tentative de régulation.
Pour le président de l’ANEPF, les étudiants en pharmacie ne se sentent pas tenus à une conduite modèle au motif qu’ils seront un jour responsable de la santé de leurs concitoyens. En revanche, ils sont peut-être un peu préservés par la présence majoritaire de filles, qui constituent un frein aux comportements excessifs. Quoi qu’il en soit, ceux-ci y mettent le plus souvent un terme à l’entrée dans la vie active. Il faut que jeunesse se passe. Certes, mais faut-il tout expérimenter pour atteindre la sagesse ? La parole est maintenant aux philosophes.
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