MÊME SI l’épidémie est aujourd’hui quasiment sous contrôle, Ebola est une catastrophe humanitaire. Le virus est identifié depuis 40 ans et compte à son actif 24 épidémies. Mais, en à peine plus d’un an, l’épidémie actuelle est la plus meurtrière de ces vingt dernières années avec 25 000 cas avérés, et 10 000 morts répartis dans plusieurs pays, mais principalement trois : le Liberia, la Guinée et la Sierra Leone. « Le virus Ebola a créé une prise de conscience du fait que les virus n’ont plus de frontière (…) Il y a une réaction un peu égoïste des pays occidentaux qui, finalement, ne s’y intéressent qu’à partir du moment où ils sont menacés », commente Patrick Errard, président du LEEM. Des virus comme Marburg, Machupo, Lassa, pourrait provoquer des épidémies aussi importantes. Tout comme la dengue ou le chikungunya. « Il n’y a pas un virus mais des virus, du plus bénin au plus dangereux, qui demandent une véritable mobilisation pour trouver des thérapies », ajoute le président du LEEM.
Viktor Volchkov étudie Ebola depuis des années, au sein du laboratoire des filovirus du Centre international de recherche en infectiologie (CIRI). Il travaille dans le P4 Jean Mérieux, le seul laboratoire non militaire de cette classification en France, abritant des micro-organismes très pathogènes. « La particularité d’Ebola est de se multiplier massivement et de tuer la majorité de ses victimes. » Jusqu’alors les épidémies étaient très localisées, l’isolement des populations touchées avait raison du virus qui disparaissait « faute de combattants ». Or la hausse du PIB des pays concernés, l’utilisation du taxi-brousse pour relier les contrées isolées, la fréquentation des centres de soins, les problèmes d’hygiène, les habitudes culturelles… ont fortement contribué à la propagation du virus. À cela s’ajoute, dans les trois pays les plus touchés, « une déforestation importante contribuant au rapprochement de la chauve-souris, le réservoir du virus », note Jean-François Delfraissy, nommé coordinateur de la task force Ebola par François Hollande, également directeur de l’Agence nationale de recherches sur le sida et les hépatites virales (ANRS) et de l’Institut microbiologie et maladies infectieuses. Face à une telle efficacité du virus, une seule solution : l’union sans frontières entre chercheurs, gouvernements et groupes pharmaceutiques.
Dépasser les frontières.
C’est le cheval de bataille de Magda Chlebus, directrice de la politique scientifique de la Fédération européenne des associations et industries pharmaceutiques (EFPIA) et coordinatrice industrie de la 2e phase de l’Initiative médicaments innovants (IMI). « Mon rôle est de mettre les gens en réseau. L’Union européenne coordonne ses efforts aussi bien du côté de l’aide humanitaire que dans un soutien sans précédent à la recherche en mobilisant ses programmes de financement de la R&D. L’industrie a répondu présente et participe massivement à cet effort collaboratif, en particulier en déployant de façon flexible et rapide le programme Ebola + (…) qui finance déjà huit projets de développement de diagnostics et vaccins pour l’épidémie en cours. Un autre appel à propositions sera lancé bientôt pour lutter contre les épidémies de demain. »
En d’autres termes, c’est la première fois qu’une telle mobilisation est constatée, dépassant les frontières et la concurrence habituelle puisque les firmes ont rapidement présenté les molécules de leur portefeuille susceptibles d’agir sur Ebola. Gary Nabel, directeur scientifique de Sanofi en charge de la réponse Ebola précise d’ailleurs que Sanofi a sélectionné « les antiviraux en cours d’essais cliniques, les traitements dont on sait qu’ils ont une activité chez les primates et des molécules ayant une activité antivirale mais dont on n’a pas encore la preuve du concept ». Et cela en un temps record. Le programme Ebola + a vu le jour en deux semaines. « Ces collaborations doivent continuer et se déployer dans d’autres domaines », plaide Magda Chlebus.
C’est la leçon principale de la crise Ebola. « Il faut rester vigilants face aux virus très pathogènes et se tenir prêt à faire face à une épidémie avec des outils diagnostics, des traitements et des vaccins. Nous devons continuer la recherche sur les virus nouveaux et connexes, il existe beaucoup d’autres filovirus, y compris en Europe, même s’ils n’ont pas encore causé de maladie », prévient Viktor Volchkov. Un sentiment partagé par tous, notamment Jean-François Delfraissy : « Il ne faut pas attendre la situation de crise, mais c’est un choix difficile pour les États et les industriels. Il suffit de se rappeler le choix de l’OMS, il y a trois ans, de réduire le budget pour les maladies transmissibles pour l’engager sur les non transmissibles. Quant au laboratoire P4 à Lyon, certains se posaient la question d’un investissement aussi lourd… Aujourd’hui la réponse est évidente. »
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