L’initiative « Libérez ma pilule » n’en finit pas de faire le tour des réseaux sociaux et des médias. Si l’idée n’est pas nouvelle, c’est la première fois qu’elle est ainsi mise en avant sur la place publique. Karim, qui souhaite protéger son anonymat, est membre du collectif de pharmaciens qui a vu le jour l’été dernier pour s’opposer à la clause de conscience. Depuis, ce collectif très actif sur Twitter a lancé « dix propositions pour la pharma » en octobre, parmi lesquelles figurait déjà celle de rendre la pilule contraceptive accessible en pharmacie sans ordonnance : « Le pharmacien est compétent pour gérer la prescription de la pilule contraceptive et identifier les contre-indications nécessitant un passage chez un médecin ou une sage-femme (…) Les conditions de remboursement doivent rester inchangées malgré le passage en vente libre », ce qui permet de conserver le prix encadré.
Au sein du collectif de pharmaciens, beaucoup sont sensibilisés au travail mené par le Planning familial. « Nous avons rencontré des représentants du Planning familial en début d’année, c’est ainsi que les actions que nous menons actuellement ont vu le jour », explique Karim. L’entente a été évidente, la « démédicalisation partielle de la contraception » étant une revendication de longue date du Planning familial, rappelle sa coordinatrice nationale, Veronica Noseda. Car les possibilités actuelles de se procurer un moyen de contraception ne permettent pas encore de toucher toute la population. « La contraception est gratuite dans nos centres, sans restriction ou limite d’âge, mais encore faut-il pouvoir s’y rendre. » Pour le Planning familial, l’accompagnement du pharmacien est essentiel et encadre la délivrance. Il insiste sur la nécessité de voir cette libéralisation de la pilule comme un atout pour les femmes, dont le but n’est pas d’opposer médecins et pharmaciens mais de jouer sur leur complémentarité. Un message qui semble bien passer au vu du nombre de médecins signataires de la lettre ouverte et/ou de la pétition en ligne.
Plus grande autonomie
Avec sa lettre ouverte, le collectif a décidé d’interpeller en priorité les laboratoires pharmaceutiques « car ce sont eux qui peuvent déposer une demande d’autorisation de mise sur le marché (AMM) pour une pilule à prescription médicale facultative », note Karim. Le collectif « Libérez ma pilule » leur demande de s’engager en déposant un dossier d’AMM pour une pilule libre auprès de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) ou de l’Agence européenne des médicaments (EMA), et ce avant le 8 mars 2018, journée internationale des droits des femmes. Cette réclamation se prolonge auprès des agences du médicament française et européenne, pour qu’elles réservent un accueil bienveillant à un tel dossier.
La demande du collectif s’appuie sur les recommandations émises en 2012 par le Collège américain des gynécologues-obstétriciens. Après avoir passé en revue la littérature scientifique, la société savante estime que « les femmes sont capables d’évaluer si l’utilisation de la pilule contraceptive est possible en répondant à un questionnaire avec l’aide d’un pharmacien ». Surtout, le collectif rappelle que la délivrance de la pilule sans ordonnance est déjà une réalité dans de nombreux pays comme la Russie, la Turquie, le Portugal, la plupart des pays d'Amérique du Sud et quelques pays d'Afrique et d'Asie, offrant aux femmes « une plus grande autonomie » et un meilleur « accès à la contraception ». Il souligne d’ailleurs que le laboratoire français HRA a déposé, en janvier dernier, une demande d’AMM auprès de la FDA, l’agence du médicament américaine, pour une pilule progestative sans ordonnance. Et déplore que cette démarche n’ait pas été menée en France ou en Europe.
Formation du pharmacien
Car c’est justement une pilule progestative que le collectif souhaite voir délistée, « parce qu’elle est sûre, peu chère, et nous avons des années de recul », avance Veronica Noseda. Une analyse que partage Christian Jamin, gynécologue à Paris. « Si l’on veut autoriser une pilule sans ordonnance, c’est bien la pilule microprogestative, autrement dit le désogestrel, qu’il faut choisir, affirme-t-il. Elle est efficace dans la même mesure que les pilules œstroprogestatives, et n’a aucun effet indésirable grave connu : elle n’augmente pas le risque de phlébite, ni d’infarctus du myocarde, contrairement aux pilules combinées, dont le risque cardiovasculaire est minime mais non nul. »
La toute progestative peut toutefois présenter quelques inconvénients : saignements impromptus, suppression des règles (ce qui peut aussi être considéré comme un avantage), poussée d'acné, pousse des poils ou chute de cheveux chez les femmes prédisposées. « Or l’efficacité d’un contraceptif dépend de la constance à le prendre, insiste Christian Jamin. L’existence de ces inconvénients engendre de gros risques d’arrêt de prise. C’est la raison pour laquelle cette pilule n’a pas remplacé les pilules combinées. » Néanmoins, son utilisation est tout à fait justifiée en cas de contre-indication aux œstroprogestatifs (risque de phlébite, hypercholestérolémie, hypertension, tabagisme, etc.) ou de manière transitoire (après une grossesse, par exemple). « Pour être valable, la délivrance d’une pilule toute progestative par le pharmacien ne doit pas se faire sans avoir bien expliqué aux femmes les effets de cette pilule, pour éviter qu’elles ne se découragent et cessent de prendre leur contraception. La formation du pharmacien sur la contraception devra alors être obligatoire et vérifiée. » Pour Christian Jamin, c’est une condition sine qua non.
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