La dépression est fréquente chez les sujets âgés de l’ordre de 10 à 13 % avec une nette prédominance féminine.
« Cependant, elle reste souvent sous-diagnostiquée et non traitée alors que ces conséquences peuvent être très néfastes pour les patients : risque de déclin fonctionnel et mental, de dénutrition… et donc risque de dépendance ; et encore plus grave, risque suicidaire, particulièrement chez les hommes », souligne le Pr Sylvie Bonin- Guillaume (Assistance publique des Hôpitaux de Marseille, Société française de gériatrie et gérontologie). Le tableau clinique est souvent atypique. Certains signes peuvent être pris pour des symptômes liés à un vieillissement normal, notamment le ralentissement psychomoteur (perte d’activité, perte d’intérêt, fatigue…). Or, il est l’un des signes les plus constants de la dépression du sujet âgé. Il faut changer notre perception sur le vieillissement : être vieux, ce n’est pas être triste. »
Une dépression masquée
Cependant, la dépression ne se traduit pas forcément par la tristesse. La dépression peut être masquée par des plaintes multiples (perte de mémoire, douleurs atypiques, oppression thoracique…). « Un syndrome douloureux chronique avec un échec des traitements antalgiques doit faire rechercher une dépression chez la personne âgée », ajoute le Pr Bonin-Guillaume. Il existe aussi des tableaux d’emblée plus graves comme la mélancolie avec une altération rapide et importante de l’état général, le patient ne mangeant plus, ne sortant plus… qui peut être pris à tort pour un syndrome de glissement. Dans ce cas, le pronostic à court terme est défavorable et il faut un avis spécialisé rapide. « Dans ces conditions, l’interrogatoire approfondi du patient est essentiel. Il existe un outil de repérage validé, l’échelle de dépression gériatrique (GDS), très utile en pratique courante. Il faut également repérer les sujets qui sont les plus vulnérables au passage à l’acte suicidaire car il s’agit alors d’une urgence », rappelle le Pr Bonin-Guillaume.
Les différentes classes d’antidépresseurs présentent la même efficacité. Le choix du médicament dépendra du terrain du patient, du risque d’effets secondaires, des pathologies associées… « Les médecins généralistes qui connaissent bien l’histoire de leur patient, ses antécédents ont un rôle important à jouer. Lors de l’instauration du traitement, il faut bien préciser au patient que l’on va traiter sa dépression que cela sera efficace mais va prendre du temps. On établit un contrat thérapeutique », note la spécialiste. En première intention, un inhibiteur sélectif de recapture de la sérotonine est souvent prescrit, en raison d’effets indésirables moindres. 8 à 12 semaines sont nécessaires avant que le traitement montre une efficacité. Il faut également insister sur l’observance : un tiers des traitements antidépresseurs ne sont pris que pendant un mois et la moitié des patients arrêtent au bout de six mois alors que la durée du traitement doit être supérieure à 2 ans. « Une fois que le patient est en rémission totale et que tous les signes de dépression ont disparu, il faut encore poursuivre une année de traitement. Des recommandations de la HAS devraient paraître prochainement », insiste le Pr Sylvie Bonin-Guillaume.
Le patient âgé présente souvent des comorbidités et est polymédiqué. La crainte de survenue d’effets indésirables et d’interactions médicamenteuses est ainsi à l’origine d’une prescription à des posologies inefficaces et d’une durée insuffisante afin de prévenir pouvant favoriser les rechutes. « Le traitement antidépresseur doit être instauré avec une posologie efficace et pour une durée prolongée. Au début, l’utilisation de doses progressives permet une meilleure tolérance. La posologie est progressivement augmentée jusqu’à atteindre la dose efficace, recommandée dans l’AMM », précise le Pr Bonin-Guillaume. L’efficacité et la tolérance doivent être périodiquement réévaluées. Le traitement sera arrêté en diminuant progressivement les doses pour éviter les effets indésirables (effet rebond).
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