EST-IL ENCORE légitime de sermonner des fumeurs sur leur tabagisme quand un cancer du poumon vient d’être découvert ? Si la tumeur est diagnostiquée au stade précoce, des épidémiologistes de l’université de Birmingham répondent que oui. La survie à 5 ans serait en effet multipliée par 2 chez les fumeurs ayant arrêté la cigarette. Pour les cancers débutants non à petites cellules, elle passerait ainsi de 33 % pour ceux ayant continué le tabac à 70 % pour ceux ayant arrêté ; pour les cancers très limités à petites cellules, environ 29 % des fumeurs seraient en vie à 5 ans versus 63 % des ex-fumeurs.
Survie à 5 ans.
Pour arriver à ces conclusions, l’équipe du Pr Parsons a sélectionné 10 études observationnelles ayant mesuré l’effet du sevrage tabagique après diagnostic d’un cancer du poumon. Neuf d’entre elles se sont intéressées à des patients âgés de plus de 65 ans diagnostiqués à un stade précoce de leur maladie. La poursuite du tabagisme était associée à un risque significativement augmenté de mortalité toute cause et de récurrence quelle que soit l’histologie du cancer, ainsi que de métastase pour ceux à petites cellules. D’après une estimation des chercheurs britanniques, l’arrêt du tabac modifierait très peu la mortalité de cause cardio-vasculaire. On estime en effet que dans la population générale, la survie à 5 ans de cause cardio-respiratoire est de 93 % chez les fumeurs invétérés, versus 95 % pour ceux ayant arrêté.
Si plusieurs études ont été réalisées sur l’effet
bénéfique du sevrage dans d’autres cancers liés au tabac, tels que les cancers ORL et de la vessie, le travail de l’université de Birmingham est la première métaanalyse au sujet des tumeurs pulmonaires. Le gain sur la mortalité s’expliquerait par un effet direct sur la tumeur : en chiffres absolus, l’arrêt du tabac n’augmenterait la survie de cause cardio-respiratoire que de 2 % à 5 ans, versus 37 % et 34 % respectivement pour les cancers débutants non à petites cellules et ceux très limités à petites cellules. Même au stade de cancer, l’arrêt du tabac pourrait ainsi améliorer le pronostic.
Effet sur la progression tumorale.
Un gros point d’interrogation subsiste : par quel mécanisme physiopathologique le tabac modifie-t-il l’évolution du cancer ? Certains de ses carcinogènes, tels que les hydrocarbures aromatiques, pourraient induire des dommages cellulaires. Autre hypothèse avancée par les auteurs, la nicotine pourrait interférer avec l’angiogenèse et ainsi favoriser la croissance tumorale. Mieux comprendre le rôle de la cigarette pourrait ainsi aider à identifier de nouvelles cibles thérapeutiques. Comme le soulignent dans un éditorial les Prs Tom Treasure, chirurgien thoracique, et Janet Treasure, psychiatre, « l’attitude des médecins est très variable concernant le tabagisme de leurs patients ayant un cancer du poumon. (...) Est-il vraiment nécessaire de culpabiliser davantage et de priver du plaisir de "la cigarette du condamné", quand moins d’un patient sur trois survivra à un an, tous stades confondus ? ». Si les conclusions de cette métaanalyse britannique venaient à se confirmer, le jeu pourrait bien en valoir la chandelle au stade précoce de la maladie.
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